| | Le capitaine disparu | La bibliothèque - 19h40
Le garde noir à l'entrée n'avait fait que son boulot. Le ton employé par sa chère mère n'avait eu que très peu d'effet sur lui. Zéphyr en était presque ravi qu'il se montre aussi tatillon et pointilleux. Un peu moins quand il comprit, à son plus grand regret, qu'on l'avait rayé de l'armée. C'était comme un nouveau coup de poignard pour lui.
A demi-avachi dans son fauteuil, l'homme observait la foule. Et ça lui faisait mal de les regarder d'en bas. Les expressions compatissantes très peu pour lui. Ca ne faisait que lui rappelait qu'il était un demi-homme. Son regard ne manqua cependant pas de remarquer quelque silhouettes pomponées à l'esprit tout aussi centré sur leur petite personne que sa mère.
- Tul' par ici, murmura-t-il en indiquant une porte à son domestique.
Zéphyr ne comptait pas souffrir de leur discussion. Pire encore. Sa mère s'était récemment mis dans le crâne l'idée de lui trouver un bon parti à épouser. Qu'il était bien loin le temps où il prenait ses propres décisions. Oh...on lui avait bien bourré le crâne quand il n'était encore qu'un jeune garçon sur les responsabilités d'un héritier male d'une famille noble. Il en avait toujours été parfaitement conscient et s'était toujours promis de se pencher sur la question un jour....Chose qu'il finissait toujours par remettre à plus tard.
Derrière la porte, un couloir éclairé, bien moins encombré que la grande salle, Zéphyr, même s'il souffrait parfois d'absence, avait encore parfaitement les pièces du palais en mémoire. Derrière la prochaine porte, il serait dans son paradis à lui. Personne ne viendrait l'indisposer avec les mêmes questions, encore et encore. Il en avait marre de raconter son histoire.
Son domestique, devait-il dire son "ami" ?, était à son service depuis l'accident. Zéphyr lui avait tout fait. Pourtant, le jeune homme s'était accroché à son poste alors que plus d'un aurait déjà rendu leur tablier. C'est que le Zéph quand il s'y mettait, il pouvait avoir un sale caractère.
- Tul' ici je ne dérangerais personne....vous êtes jeune, vous devriez profiter de ce faste.
Egoïste ? Non. Trop bon ? Surement. Une certaine ex-garde noir lui en avait fait déjà la remarque il y a bien longtemps. Zéphyr était humain tout simplement et il ne se voyait pas obligé à condamner son domestique ici alors qu'il pouvait passer un peu de bon temps et de liberté.
Sauf qu'il y avait déjà visiblement quelqu'un dans la pièce... |
| | Petit rat des parchemins | « Lu .. Lise ! Soit .. Tiens-toi, un peu. Je te rappelle que tu dois me guider. Heureusement que nous avons étudié les statuts et les identités. Tu imagines si j’avais été ignorante. »
Je ris doucement. Nous étions restés dix minutes dans la salle principale pour découvrir à quel point notre si bon Roy était raffiné en la matière. J’avais pu manger quelques viennoiseries, et deux dans ma poche. Quelques boissons sucrées, comprenant rapidement, qu’il valait mieux rester à l’eau claire. D’autant que nous avions une entrevue avec le créateur de ces merveilles. Je pourrais me sentir anxieuse mais je ne sais pas, je n’avais pas envie de me sentir minuscule face à cet étrange homme. Après tout, lui et moi côtoyons les vespasiennes - certes, pas du même luxe - et quand bien même, les rumeurs sur une quelconque décoction sur la Jouvence, il avait des rides. En somme, je pouvais parfaitement, faire ma révérence à 90° et converser avec lui, de la façon la plus éducative possible. Enfin Lise, pas moi. C’est peut-être pour cela que je me sens aussi enfantine en cette douce soirée.
Mais, je voulais surtout fuir les mondanités. Les femmes engourdies dans de grosses robes, discutant dotes et coiffeurs, quel ennui ! Alors dès que cela fut possible, j’ai laissé Lise dans la salle. Elle m’en voudra probablement mais, je suis certaine qu’elle saura trouver un bon parti pour moi. Sachant que je n’aurais donné le change que pour faire plaisir à mes parents et tamponné d’un non, sur une proposition de mariage.
Je longe un couloir, prenant parfois un vase, prétextant devoir le remplir urgemment et le reposant à même le sol, quelques mètres plus loin. Je me trompe deux fois de salle, interrompant même, un cours d’anatomie et m’excuse derechef avant, enfin de trouver le graal. Et lorsque j’y rentre, je suis sans voix. C’est si spacieux, fourni et tellement d’étagère. Je pourrais passer ma nuit ici. Et je suppose que je pourrais presque tenter le pari tiens ! Je laisse la pulpe de mes doigts allaient à la rencontre des tranches de livre, j’en étais euphorique. Je n’arrivais pas à croire que j’étais dans la Bibliothèque Royale. Je sautille dans les rayons, taquine l’écho de ma voix puis finit, par hasard, dans l’allée concernant les peuples. Je cherche un sur les Femmes de notre monde. Et je suis déçue de n’en trouver un d’une cinquantaine de pages. Il faut vraiment y remédier. Un marque page encore présent, je vais à la page. Tiens ! La Duchesse d’Adorrel, connue pour son amitié pour le Roy. Bah voyons, on y croit tous, surtout pour ce qui en découle, je présume. M’enfin, elle n’en demeure pas moins, un exemple féminin. Et je me penche pour en lire davantage.
Grincement de porte, je me cache dans le rayon, attendant que la teinte de gêne colorant mes joeus se dissipent. Je ne savais pas si j’avais le droit d’être ici. Et j’aurais préféré ne pas me faire remarquer de la sorte. On sait tous ce qui advient des domestiques. Me rapprochant tout doucement, je comprends vite qu’il s’agit d’invités lambdas alors je décide de me montrer.
« Tul' ici je ne dérangerais personne....vous êtes jeune, vous devriez profiter de ce faste. »
Oh .. L’un en fauteuil. Que lui est-il arrivé et l’autre .. Semblant si chétif et les joues bien plus rebondies que les miennes. Prêtes à être tirées mais je m’abstiens, je doute qu’il apprécie cet élan d’affection. Mais bien décidé à ne pas me laisser impressionner, je décide me jouer d’eux.
« Et qui vous dit, que vous ne me dérangez pas ? » Mes mains sur mes hanches, un livre d’un côté, le dos de main de l’autre, je les regarde tous deux sévèrement avant de me radoucir et rire doucement, tout en continuant de toiser l'un et l'autre. « Bonsoir Messieurs, vous fuyez qui ou quoi ? » |
| | Domestique de Zéphyr | C’est donc cela, le Palais d’Or. Je ne suis pas particulièrement amateur d’architecture fastueuse, mais à trop contempler celle-ci, je pourrais bien en développer une passion grandissante. Ce serait cependant contraire à mon travail actuel, or il me sied bien plus de faire mon travail correctement, et donc, de ne pas regarder en l’air alors que je pousse mon maître, que de commenter tapis, tableaux, rideaux, fenêtres, colonnes, parquets et dorures. « Entendu monsieur. » C’est qu’il a des bonnes idées. Écouter sa mère est particulièrement abêtissant. Une bibliothèque. On fait un bon binôme, en fait, lui et moi : il me fait découvrir le palais, et je le trimballe. Ah, je l’ai déjà entendu dire ça. En fait, il y a un temps, j’avais même fait le compte des occurrences où mon maître préférait rester seul que de se montrer en société. J’ai arrêté sitôt que j’ai compris que c’était systématique. Autant compter le nombre de moments mondains qu’organise sa mère – et cela, je le fais déjà. Mm, il est vrai que je serais quant à moi assez heureux de pouvoir me mêler à la fête, mais je serais encore plus heureux de faire mon travail convenablement, or celui-ci consiste en être auprès de mon maître. Éventuellement, s’il m’ordonne explicitement de m’en aller, je reconsidérerai cela. Mais avant que je ne lui réponde par la négative, une voix féminine. Bien une voix de noble ! Il n’y a qu’eux pour dire ce genre de choses. Nous sommes trois dans une salle plus vaste que n’importe quelle maison de quiconque n’étant ni noble ni bourgeois de ma ville natale, et pourtant, elle part du principe qu’on aurait pu la déranger ! Je lui adresse un sourire diplomatique. « Bonsoir, gente dame. Sachez que mon maître ci-présent est le capitaine Zéphyr de Kergamont, et comme il sied à quelqu’un de sa qualité, la fuite n’est pas un mot de son vocabulaire. Comme vous pouvez le constater. » |
| | Le capitaine disparu | Zéphyr retient un soupire. Son domestique était bien gentil mais parfois il faisait preuve d'un peu trop de zèle. En l’occurrence, il aurait été tout à fait capable de se présenter, même s'il n'avait que peu d'envie de faire la conversation, il restait tout de même poli. Le noble considéra la silhouette féminine qui le toisait, en fauteuil c'était le cas de la plupart des gens, à moins d'être un nain...
" Fuir ? M'avez-vous bien regarder ? un enfant irait plus vite que moi....."
Passer sa vie en fauteuil l'exaspérait. Il en avait plus qu'assez. Si seulement ça pouvait en être autrement. Hélas....Quand son cher Tulio le trimbalait il avait le temps de dénombrer le nombre de chandelles dans les couloirs, de repérer la moindre tâche sur le sol. Ça l'avait amusé un temps. Plus maintenant.
" Auriez-vous quelque galant caché dans un des recoins nombreux de ce lieu ? "
Elle avait certes un livre à la main, mais ne l'avait-elle pas pris pour détourner l'attention ? Qui était-elle ? Au final, elle pouvait lui donner n'importe quel nom puisque le bal était masqué. Zéphyr pouvait difficilement se cacher puisqu'il portait son uniforme d'apparat et que Tulio avait donné son identité.
" La pièce est vaste vous savez. Il y a de la place pour tout le monde ."
Zéphyr connaissait bien l'endroit pour y avoir passer de nombreuses nuits blanches à étudier. Il affectionnait un rayonnage en particulier mais n'importe quel livre sur l'instant lui aurait convenu et lui aurait fait oublier sa situation.
" Vous venez chercher un livre pour votre maîtresse ?" |
| | Petit rat des parchemins | Je souris en coin, comprenant que ma plaisanterie ne fait rire que … Moi. Fort dommage. Un capitaine. Je suppose que les affres de la guerre l’ont conduit sur ses nouvelles jambes mécaniques si je peux dire. Je fais une révérence des plus respectueuses au capitaine.
« C'est un plaisir de vous rencontrer très cher Capitaine Zéphyr de Kergamont. Merci d'avoir offert votre vie pour ma sécurité et celle de mon entourage, dans ce cas. Vous endossez un honorable métier dont on ne peut qu'être admiratif. Que puis-je faire pour vous montrer ma gratitude ? »
Je vouais une admiration pour ces braves individus qui risquait leur vie pour contenir l'équilibre dans le pays.
« Vous venez chercher un livre pour votre maîtresse ? »
Ma maitresse ? Ah oui, c'est vrai ! Que tu es bête Lucille.
« Non, je viens pour mon plaisir personnel. J'aime enrichir ma connaissance. Mais je suppose que le Destin a voulu m'offrir, bien mieux, en votre présence. »
J'offre un véritable sourire sincère aux deux hommes.
« Accepteriez-vous de me conter vos batailles ? Entre nous, être une plante verte à ce bal ne m’intéresse bien peu. Et loin de moi, de vous espionner. J'ai toujours rêvé de découvrir ces lieux. Je vous prie de recevoir mes excuses pour le dérangement. »
Je refais une révérence pour accentuer mes propos. Bon, j'aurais préféré discuter de la guerre avec une femme mais bon, je peux toujours espérer l'écrire un jour.
« Dites-moi, vous avez déjà songer à coucher sur le papier, tous vos exploits ? C'est important que l'Histoire se souvienne de chacun de ses héros. C'est là l'idée qui me vient lorsque, je vous vois. »
Il me fallait bien une personne pour m'exercer après tout.
« Qu'en dites-vous ? Avec un bon breuvage et quelques délices à manger, cela va de soi. » |
| | Domestique de Zéphyr | Elle a l’air un peu cruche, pour une domestique. Un peu trop maniérée, aussi. Je ne suis même pas sûr que c’en soit bien une. Ou alors, c’est juste moi qui ait des critères trop élevés. Jamais je n’aurais toléré un tel comportement sur un de ceux sous mes ordres. Elle parle trop et avec bien trop de familiarité. Enfin, elle a le mérite de laisser de belles perches. Aller chercher à manger et à boire me permettrait de les laisser seuls et de me mêler aux festivités. Hors de question que je traîne en chemin, certes, mais selon ce qu’ils me demandent, cela peut prendre un certain temps. Je peux toujours suggérer l’idée. « Voulez-vous que je vous laisse pour aller chercher de quoi vous sustenter ? » Et puis, je n’aurais pas grand-chose à dire sur ce qu’ils vont aborder. Consigner sur le papier les exploits de quelques héros pour la postérité, bah ! On ne s’intéresse qu’à eux. Mais je les ai vu, les héros, j’en trimballe un à droite à gauche à longueur de journée, le nettoie quand il se salit, lui administre ses médications, change ses draps, l’habille. Qui a-t-il d’héroïque là dedans ? Ou dans qui que ce soit, d’ailleurs. On dit que l’Histoire permet de se souvenir. Il me semble surtout que celle qu’écrivent les nobles pour eux-même sert avant tout à faire oublier dans les limbes du temps tous ceux qui n’ont pas un sang aussi bleu – et rongé par la consanguinité – que le leur. Par ailleurs, qu’est-ce que leurs exploits, sinon de se baigner dans le sang de gens comme moi, placés devant eux par d’autres gens comme eux. Qu’est-ce que leurs guerres, sinon le massacre de gens qui ne se connaissent pas pour le compte de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas. |
| | Le capitaine disparu | Que pouvait-elle faire pour lui ? La réponse était simple : rien. Zéphyr en avait plus que marre qu'on s’apitoie sur son sort. C'était ainsi point. Chaque jour de plus en vie était pour lui une petite victoire. Les progrès étaient lents mais il ne pouvait pas dire qu'ils étaient inexistants. Pas assez rapide à son gout cependant.
" Allez rendre visite à ceux qui sont à l'hospice, votre joli minois les égayera un peu. "
Voilà une réponse bien digne de Zéphyr. Il ne pouvait pas ignorer sa présence, ni lui répondre un simple rien, alors avec tout le sérieux du monde , vu son état, et la "grande" chance qu'il avait de pouvoir résider chez lui, sa réponse tombait sous le sens. Même si c'était en partie simplement pour donner le change.
« Mais je suppose que le Destin a voulu m'offrir, bien mieux, en votre présence. »
Si le destin c'était de rencontrer un infirme incontinent et au caractère de cochon, c'était un sacré destin. La demoiselle devait avoir une bien triste vie pour rêver à bien peu de chose. La prochaine fois ça serait quoi ? Un manchot cul-de-jatte qui l'éblouirait ? Trêve de plaisanterie. Le militaire, on ne lui avait pas signifié clairement qu'il ne l'était plus même si le garde ne l'avait pas trouvé à son grade, se recala dans son fauteuil.
" Je n'ai fait que ce que j'avais à faire ce jour là. "
Et se connaissant, il est fort à parier qu'il aurait agi de la même façon tout en sachant les conséquences que cela entraîneraient. La jeune femme se montrait bien curieuse envers lui. Ceci étant le rencontrer était tout bonnement exceptionnel. Premièrement, malgré son statut de noble et d'officier, il n'avait jamais apprécié la multiplication des ronds de jambes et du marchandage. Bien que en danse, il n'était pas si mauvais. Deuxièmement, à présent, il avait ce genre de soirée en horreur car justement il servait de prétexte à sa mère.
« Accepteriez-vous de me conter vos batailles ?» Non.
« Dites-moi, vous avez déjà songer à coucher sur le papier, tous vos exploits ? » Non.
« Qu'en dites-vous ? Avec un bon breuvage et quelques délices à manger... » Voilà une bonne idée.
Répondre non à tout c'était sans doute la réponse qu'il aurait fait à sa mère. C'était son petit plaisir de la contrarié puisque de toute façon, elle ne tenait guère compte de son avis pour le trimbaler où elle avait envie. Bon clairement Zéphyr n'était pas très chaud de raconter son histoire mais faire la conversation avec ...avec qui en fait ?
" Je ne saurais vous dire si je vais vous conter mon histoire mais j'accepte de bavarder un peu avec vous, demoiselle... ? "
Elle ne leur avait toujours pas dit son nom. C'était perturbant de ne pas savoir qui se tient en face de vous. Mais s'entretenir avec elle, signifiait aussi rester seul, sans aide, et dieu sait qu'il avait horreur de se passer de la présence de Tulio. Comment ferait-il si... Profitant de ce que son domestique lui parle, Zéphyr tendit le cou et lui glissa à lui seul :
" Trouvez-moi un vase, quelque chose si jamais...enfin vous voyez quoi..."
Perdre la face devant des inconnus, c'était encore plus humiliant que de se réveiller chaque matin ou presque mouiller. Puis, il reprit à voix intéligible :
" Si vous m'autorisez un petit verre de quelque chose qui a du gout...parce que les tisanes ça va un temps...quand vous aurez rapporter le tout, profitez un peu de la fête, tâchez de ne pas m'oublier ici cependant. "
Le tout ponctuer d'un petit clin d’œil car il le savait suffisamment dévoué pour ne pas fauter.
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| | Petit rat des parchemins | Allez rendre visite à ceux qui sont à l'hospice, votre joli minois les égayera un peu.
En voilà des propos bien réducteurs. Mais je ne réplique pas, cela était vain. Oui, avec ma mère, on se pavanait, se montrait bien portant face aux diminués. Abjecte activité. Mais je devais suivre. Les égayer. Ces gens voulaient juste rentrer chez eux. Devenir soleil d'un jour, c'est vaniteux. Il m'est tout de même arrivé de pouvoir écrire les témoignages des femmes. Oui, j'avais choisi mon camp. Je ne dis pas que les hommes sont intéressants. Mais il suffit de voir ici pour savoir qu'au moins 90% des ouvrages ne parlent que d'eux. C'est épuisant.
Je n'ai fait que ce que j'avais à faire ce jour-là.
Ma nouvelle victime se montre modeste. Les hommes, tous les mêmes. Pour autant, vu son grade, je ne comprends pas ce qui a bien pu lui arriver d'aussi tragique. C'était une raison valable, pour m'entrainer sur lui, à écrire, rapidement, spontanément au rythme de son récit. Parce que je doute qu'en bordure de guerre, les soldats prendront le temps d'emphaser leur propos, je me devais d'être opérationnelle. Sans parler du fait, de trouver un moyen d'y aller, au-devant de la guerre.
Si vous m'autorisez un petit verre de quelque chose qui a du gout...parce que les tisanes ça va un temps...quand vous aurez rapporté le tout, profitez un peu de la fête, tâchez de ne pas m'oublier ici cependant.
J'avais complétement oublié son domestique et ses petites joues. Mais son regard ne trompe pas. Il est bien loin de l'innocence. Je le range dans un coin de ma tête. S'il était relié au capitaine, ou je ne sais plus quoi, il devait en avoir des choses à redire. Petit sourire espiègle, gage d'un nouveau projet pour eux deux. Le petit nous laisse et je viens prendre place sur un fauteuil face au plus vieux.
Est-ce une habitude pour vous, de fuir, les mondanités ? Vous semblez pourtant si fier de votre statut.
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| | Domestique de Zéphyr | Je reviens quelques instants plus tard, un verre à la main et une gourde vide sous le bras. Vous me demanderez ce qu’il y a dans le verre, mais je vais y venir. Pour ce qui est de la gourde, un récipient moyen, en peau, au goulot que j’ai élargi au moyen d’une épelette tranchante qui traînait. J’aurais bien apporté mon couteau – enfin, mon assortiments d’outils du genre – mais cela me semblait peu approprié d’avoir sur moi une lame et ce qu’on pourrait interpréter comme du matériel de crochetage si on n’y connaissait rien aux travaux manuels. Ce qui doit être le cas de nombre de gardes. Je vous passe le détail de la raison de cette élargissement. « Tenez, monsieur. » Le verre en question comporte du champagne. Voilà qui lui fera très certainement plus plaisir que les infâmes décoctions que tente de lui faire boire sa mère – et que j’agrémente invariablement de sucre, de crème ou d’une passoire pour en expurger autant de plantes que possible, généralement les trois à la fois. Je tends un verre à celle présente dans la pièce. « J’ai osé supposé que ce n’était pas la première fois que vous prendrez de l’alcool. Le cas échéant, nous n’en dirons rien. » Et pour finir, je glisse la gourde sous le siège de Zéphyr, là où il pourra la prendre facilement. Pour ensuite pisser dedans si besoin. Vous n’avez pas besoin de savoir pourquoi je sais que son goulot devait être agrandi. « Si monsieur n’a rien d’autre à me demander, je vais vous chercher à dîner. Dois-je en prendre aussi pour… ? » C’est qu’elle n’a toujours pas donné son nom. Moi non plus, notez, mais je ne le donne que si on me le demande expressément. Et que la personne en question est hiérarchiquement au-dessus de moi. Ce qui inclut beaucoup de monde, certes. |
| | Le capitaine disparu | Ce cher Tulio ne mit guère de temps à revenir avec une coupe de champagne. Ce n'était pas bien alcoolisé mais c'était tout de même mieux qu'un simple verre d'eau ! Et Zéphyr ne tomberait pas ivre mort à la première gorgée.
- Merci mon brave. Vous pouvez disposé comme convenu.
Tulio ne l'avait pas déçu jusqu'à présent et Zéphyr l'estimait assez pour lui permettre de profiter un peu des festivités. C'était bien la moindre des choses quand on savait dans quel enfer ces deux êtres étaient plongés en permanence. L'ancien soldat ne regrettait pas d'avoir tenu tête à sa chère mère pour qu'elle le prenne à son service. Et depuis, et bien Zéphyr n'avait pas à s'en plaindre, et tout doucement, lentement, il avait repris des forces et l'envie de se retaper. Le récipient glissé sous son fauteuil, il put laissé partir son valet tranquille, nul doute que le réceptacle serait utilisé en cas de besoin urgent. Le tout étant de s'y prendre discrètement et surtout avant de subir l'humiliation suprême de mouiller son froc...
- Les mondanités m'ont toujours fait cet effet là. Autant avant qu'à présent, évidemment bien plus aujourd'hui, je déteste être un objet de curiosité ou d'apitoiement. Les gens viennent dans ce genre de soirée non pour profiter réellement des moments de rencontre ou de fête mais bien plus par intérêt.
Et comme s'amuser ne faisait pas vraiment parti de sa vie, les soirées étaient d'un ennui mortel pour Zéphyr. Il avait déjà l'impression de servir de décoration. Et encore plus aujourd'hui dans son état ! De part son grade de capitaine, hélas, il n'avait pu s'échapper que bien peu souvent mis à part lorsqu'il se trouvait sur le front. Aujourd'hui cependant cela dérogeait un peu. Il était présent pour quelque chose de bien précis. Quelque chose d'important.
- J'ai choisi de me consacrer à l'armée c'est vrai alors que j'aurais surement pu avoir une vie bien plus calme et rangée. Mais...je ne regrette rien....
Enfin, si, Zéphyr regrettait une seule chose. Et ce n'était pas le genre d'histoire sur laquelle s'épancher avec une jeune fille. Zéphyr de Kergamont avait probablement laissé filer la femme de sa vie... |
| | Petit rat des parchemins | Je remercie son servant, levant mon verre pour trinquer avant de boire une gorgée. En vérité, je n’étais pas adepte du vin. Quand je vois l’effet que cela produit sur les gens – violent, imposant, drôle par chance – je préfère conserver mes esprits clairs. Mais je me voyais très mal refuser et vexer le jeune homme ayant pensé à moi. Je regarde le liquide rougeâtre, faisant semblant de m’y connaitre. On m’aurait donné du raisin, que je n’aurais pas su deviner d’où il provenait. Mais qu’importe, je n’étais pas présente pour me délester de ma raison, bien au contraire. Je reporte mon attention sur l’illustre militaire.
- En soi, vous n'avez pas tort, on pourrait vous prendre en pitié de la gloire au fauteuil, c’est toujours surprenant. Mais pas moi, je m’en contre fous. Une rage peut soulever des montagnes alors je ne vous sous estimerais pas. Cela n’enlève rien à votre gloire. Mais ce n’est là que ma pensée.
Et je doute que cela pèse dans le regard qu’il porte sur lui. Alors qu’on devrait lui dérouler le tapis rouge. Il s’est sacrifié pour notre tranquillité mais au lieu de cela, il se terre. Ça me peine plus qu’autre chose. Je finis par prendre place sur une chaise, parce que ma robe est franchement lourde et ce corset, un instrument de torture.
Ce monde n’aime pas les Femmes, j’ai juré. - Parlez-moi donc de cette fameuse Vie calme et rangée. Comment serait-elle ? Vous n’avez vraiment aucun, aucun, aucun regret ?
J’arque un sourcil, amusé et suspicieuse. Avant de sourire et de rire. Une énième lichette et ensuite j’arrête. J’ai encore le Roi à affronter dans quelques heures. Je ne voudrais pas passer pour une la soif sans fond.
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