Nathanael attendait. Il ne savait pas vraiment quoi exactement mais on lui avait demandé de venir alors il était là. Bien entendu, il avait pris de quoi patienter et il jouait à l'heure actuelle avec un biscuit qu'il faisait tourner entre ses doigts.

Soudain, des bruits de pas attirèrent son attention sur sa gauche et il se tourna vers les intrus, prêt à les chasser, sans même se relever. Pourtant, il n'en fit rien. Ce n'étaient pas les intrus auxquels il s'était attendu. Il se figea face à ce regard sombre qui venait de se planter, implaccablement, dans le sien. Un regard qu'il reconnaissait et qu'il n'avait aucune envie de croiser.

Shanniv Derffel.

Un air mauvais inscrit sur le visage.

L'homme se tenait droit, dignement, et il le toisait avec tout le mépris du monde. Si un regard avait pu tuer à cet instant, Nathanael en avait la certitude, il serait mort sur place, sans autre forme de procès. En soi, ce regard suffisait.

Bien sûr, il avait bien conscience qu'il risquait de le croiser mais... si tôt dans la soirée ? Il aurait aimé avoir le temps de s'y faire, de... de réfléchir à quoi dire, à comment réagir. Mais visiblement, les évènements en avaient décidé autrement. Nathanael le savait : on ne partait pas sans prévenir quand on travaillait pour ce type d'homme. Et lui, il l'avait fait. Était-il fou pour avoir cru, à une époque, que cela ne le rattraperait jamais ?

La voix de Shanniv s'éleva et son ton ressemblait beaucoup au calme avant la tempête. Une tempête qui allait se déchaîner dans quelques instants s'il ne partait pas immédiatement.

Nathanael ouvrit la bouche, comme un poisson qu'on venait de sortir hors de l'eau, à chercher désespérement quoi dire. Il se sentait bien imbécile, à cet instant, avec son pauvre biscuit entre les doigts, à chercher une explication. Et puis soudain... un mouvement étrange secoua Shanniv, lui faisant perdre momentanément l'équilibre révélant l'apparition d'une furie blonde et maladroite.

- Oh pardon, monsieur ! désolée.

Solange n'accorda pas plus d'attention à celui qu'elle venait de bousculer et elle s'assit à côté de lui, avec familiarité, comme si elle le connaissait depuis toujours.

- Je te trouve enfin ! J'ai cru que tu étais parti ! Tu vas bien ? pourquoi es-tu assis là ? que se passe-t-il ?

Nathanael se tourna vers elle. Ses cheveux étaient encore légèrement humides et elle ne sentait plus le hareng. Visiblement, elle avait trouvé comment réparer un minimum son dernier accident. Elle devait sans doute venir chercher sa broche ! Il était très heureux de la revoir, au moins, elle lui permettait de ne pas répondre et de reculer l'échéance affolante qui se profilait. Il se fichait pas mal qu'elle interrompe la conversation, elle venait littéralement de le sauver sans même le savoir.

Il brandit la broche qu'il avait conservé sur lui. Il préférait encore faire comme si de rien par rapport à Shanniv.

- T'nez, M'dame Solange ! J'l'ai gardée précieusement sur moi, l'est comme neuve, vous voyez ?

Puis, il repensa à la courtisane, quelques minutes plus tôt et à l'altercation. Il fallait qu'il lui pose la question pour comprendre pourquoi elle s'était vexée pour si peu...

- Faut qu'j'vous pose une question, M'dame Solange... J'peux ?