Theodora n'avait aucune envie de patienter avec les autres convives et cela l'arrangeait très bien, elle n'en avait aucun besoin. Toutes ces pintades gloussantes et ses messieurs propres sur eux lui tapaient sur le système.

Elle ne sortait plus vraiment de sa tannière pour ce genre d'événements pompeux mais ce soir, c'était particulier. Ce soir, ce ne serait pas pompeux. Hypocrite, oui. Tendu, aussi. Mais pas pompeux. Les plans du roi avaient bien d'autres finalités qu'un simple bal et ce serait mal le connaître que de penser le contraire.

Elle sortit la lettre cachetée soigneusement pliée dans le revers de sa veste et releva la tête vers le palais. Quelques mois qu'elle n'en avait pas vu les murs...

- Vous avez besoin d'aide ? demanda la voix de celui qui l'avait accompagnée, la tirant de ses pensées.

Theodora ne lui accorda pas un regard. Elle se contenta d'un geste vague de main pour le congédier et quand elle entendit les sabots du cheval sur les pavés, elle fit un pas en avant. Elle prit une petite porte détournée, pour lui faire éviter la foule.

Une petite porte que l'on devait atteindre en montant des escaliers...

Oh, si elle avait pu, elle aurait maudit cette sale manie de faire des escaliers partout ! N'avait-on pas conscience qu'avec une jambe abîmée, il s'agissait purement et simplement de la pire des tortures possibles ? Une épreuve longue et fatiguante, infinie...

Elle grogna quand elle fut en haut et apostropha le garde qui faisait le piquet devant l'entrée, en lui tendant la lettre cachetée :

- Theodora Vodalona.

Il prit la lettre avec un regard impassible, la lut et la laissa entrer. La porte dévoilà une pièce et, en fond, des escaliers. Encore.

Elle s'accorda une pause et se tourna vers le reste de la salle. Comme prévu, sa dague était là, bien en évidence sur la table au centre. Elle s'en approcha et la récupéra, pour la glisser sous sa veste. Elle vérifia qu'elle pouvait la tirer facilement. Tout cela avec une seule main. L'autre bras pendait lamentablement à son côté, inutilisable. Il aurait pu aussi bien être inexistant, à ce stade...

Enfin, elle fit face à la seconde épreuve : la volée d'escaliers qui descendaient. Elle prit une grande inspiration, mit le masque simple et noir - pour trancher avec ses cheveux roux tressés - et posa un pied sur la première marche. Le tout en maudissant tous les rois de l'univers qui ne pouvaient pas s'empêcher de construire de grands palais bourrés d'escaliers. Pouah.

Elle entama ainsi sa descente vers le bal, en pensant bien sombrement que cela ressemblait fort à une descente aux enfers...