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19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Sam 11 Avr - 12:33
Solange de la Contrie
Solange de la Contrie
24
Brebis égarée
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Solange quitta Gareth. Elle continua de boire. Cette boisson pétillante, une fois qu’elle y avait goûté lui semblait la plus merveilleuse du monde. Une petite voix dans sa tête lui rappelait une autre soirée où elle avait abusé de la boisson et qui ne s’était pas terminée de la meilleure des façons… Au milieu de toutes ces belles robes, trop brillantes, trop larges, trop lourdes, elle ne se sentait pas vraiment à sa place. L’alcool sur ses lèvres, coulait dans sa gorge et lui permettait de se sentir mieux dans ce monde qui n’attendait pas d’elle ce qu’elle pouvait lui donner.

Elle écarta la voix de la fête, but une longue gorgée de pétillant et reposa son verre sur le plateau d’un serveur, en en prenant un autre du même geste. Elle le porta à ses lèvres puis s’interrompit brusquement. Cette fois c’était la voix de son père qui lui disait d’arrêter. Et à cette voix-là, elle ne pouvait pas résister. Elle était près d’un buffet, elle posa le verre d’une main qui tremblait légèrement.

- Qu’est-ce que je fais… ? murmura-t-elle.

Elle passa une main sur son front. Il fallait qu’elle garde les idées claires, au moins jusqu’au moment où elle aurait obtenu ce qu’elle voulait du roi. Après elle pourrait « faire la fête », pour de bon. Et elle aurait toutes les raisons de le faire. Elle s’appuya contre le buffet, regarda autour d’elle. Qu’avait-elle fait depuis le début de cette soirée ? tourner en rond, bavarder, errer ! Elle n’avait rien fait du tout.

- Une chose à la fois.

Elle ferma les yeux. Un mal de tête s’insinuait déjà sous son crâne, conséquence de quelques verres de trop, déjà.

- Manger.

Quelque chose de consistant épongerait un peu tout ça. Elle se retourna. Le buffet lui offrait tout un assortiment de mets à l’aspect délicieux.

- Pas de sucre.
 
Elle écarta les beignets dorés, dégoulinants d’un miel à l’exquise odeur, qui lui faisaient de l’œil. A côté un pâté en croûte lui sembla plus raisonnable, et tout aussi appétissant. Les tranches étaient prédécoupées, mais elles étaient gigantesques et Solange aurait eu besoin d’un couteau pour n’en prendre que la moitié. Elle se résigna à y aller avec les doigts, repérant un peu plus loin des serviettes qui lui seraient d’une grande utilité. Ses mains tremblaient toujours.

- Calme-toi.

Elle parlait à mi-voix, sans se préoccuper qu'on l'entende. La culpabilité de s’être laissée aller alors que son père croupissait en prison, commençait à la ronger, de même que l’anxiété de ne pas réussir. Son cœur battait de plus en plus vite.

Elle enfourna la demi-tranche, et mâcha longtemps en se forçant à se concentrer sur le goût. Solange s'essuya les doigts sur une serviette, et prit ensuite deux tranches de pain entre lesquelles elle glissa des bouts de salade, de la charcuterie, des tomates. Tout ce qu'elle voulait c'était retrouver ses idées. Et puis en avalant difficilement son pâté en croûte, elle réalisa que ça n'allait pas passer.

Ce fichu corset se rappellerait bientôt à elle pour lui faire comprendre qu'un tour de taille ça s'entretenait. Et pas en mangeant. Elle laissa s’échapper un gémissement de frustration en comprenant qu’elle ne pourrait rien avaler tant que les lacets qui tenait l'étau ne seraient pas desserrés.

Elle glissa une main dans son dos, essaya de comprendre comment Maery avait lacé le tout. Mais bien sûr le corset était recouvert par la toile de la robe, qui était elle-même lacée étroitement au point qu'on aurait pu la croire cousue.

- Mademoiselle, vous êtes toute pâle.

Un jeune homme, un courtisan certainement, affublé d'un masque de renard noir guettait sa réaction. Elle porta la main à son visage.

- Ça va, je vous remercie.

Il s'éloigna avec hésitation. Solange fut prise d'un vertige, et son mal de crâne se fit plus violent. Ce ne pouvait pas être l'alcool. Elle reposa le sandwich qu'elle s'était confectionné, et se dirigea lentement vers un miroir. Ça n'allait pas du tout. Elle le sentait. Et elle était effectivement toute pâle. L'anxiété, l'alcool, ou le fait d'avoir mangé une bouchée de pâté ; qu'est-ce qui pouvait la mettre dans un état pareil ? Elle se détourna du miroir. Elle avait besoin de respirer. Le balcon là-bas. Elle s'y dirigea, d'abord d'un pas rapide, puis elle ralentit très vite. Le souffle lui manquait, et un vertige la reprit.

Elle s'arrêta, s'appuya sur la table qui se trouvait là par miracle. Des étoiles dansaient devant ses yeux. Elle agrippa la nappe, la froissa, éleva son autre main jusqu'au visage. Cette fois elle tremblait beaucoup. Solange n'y comprenait rien. Elle était forte, ça ne lui arrivait pas ce genre de chose. Jamais. Elle n'était pas une femme qui s'évanouit à cause d'un corset trop serré ! Résolument, elle inspira profondément, la main toujours agrippée à la nappe. Et elle s'écroula sur le sol.

La nappe vint en partie avec elle, ôtant aux mains avides la pitance qu'elles quêtaient sur le buffet.
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Sam 11 Avr - 16:45
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
56
Au service des haricots
Nathanael était arrivé voilà une heure. Depuis tout ce temps, il était resté au buffet, à manger sans compter. Il ne se rappelait pas la dernière fois qu'il avait englouti autant de nourriture. En fait, il en aurait même mis sa tête à couper : cela n'était jamais arrivé.

En tout cas, il se régalait et il avait depuis longtemps abandonné l'idée d'élire le meilleur plat de la soirée pour une simple et bonne raison : tout était absolument délicieux ! Il lui semblait pourtant qu'il n'arriverait jamais à tout goûter. Les domestiques amenaient sans cesse de nouvelles recettes, tous plus apétissantes les unes que les autres. Ce n'était non pas par manque d'envie qu'il ne pourrait pas tout prendre - il lui semblait que sa faim ne pourrait jamais arriver à satiété -, mais bien par manque de temps.

Mais après tout, tant que personne ne lui avait donné d'ordre, autant en profiter. On lui avait dit mot pour mot : vos ordres de mission arriveront dans la soirée. En attendant, profitez de la fête et fondez-vous dans le décor.

C'était ce qu'il faisait : profiter de la fête. En mangeant, c'était encore là qu'il risquait de faire le moins d'impairs.

- Vous êtes encore là, vous ? Vous ne vous arrêtez donc jamais !

Nathanael se retourna vers la domestique qui venait de parler - celle qui l'avait apostrophé au début de la soirée - et lui sourit sans répondre, de peur de dire quelque chose qu'il ne fallait pas. Elle le regardait avec un air à la fois pincé et interrogateur. Il avança la main vers l'un des plats pour prendre quelque chose qu'il n'avait jamais vu, quand la domestique lui donna une tape vigoureuse. Nathanael lui jeta un regard perdu en s'arrêtant aussitôt.

- Mais servez-vous avec les couverts, enfin ! Quelles sont ces manières ? Je n'ai jamais vu cela !

Nathanael se tourna vers le couverts qu'elle lui désignait avec autorité. Il hocha la tête, un brin honteux :

- Ah, hum, oui... Les couverts. Hum, bien sûr.

Il allait les prendre, pour faire bonne figure, quand le plat disparut soudainement, emporté par nappe. Nappe elle-même emportée par une jeune femme pâle comme un linge qui venait de s'écrouler sur le sol lustré de la salle de bal, dans un effrayant vacarme de plats. Durant une seconde, ce fut le calme plat.

Le temps très exacte qu'il fallut à Nathanael pour fourrer dans les mains de la domestique perdue couverts et biscuits et de s'accroupir à côté de la jeune femme. La domestique lui demanda bêtement :

- Vous êtes médecin ?

Nathanael l'ignora royalement. Il était tout concentré sur la jeune femme trop serrée dans son corset. Il essuya ses mains sales sur sa tenue, en y laissant des grandes traces de jus de raisin, parce qu'il ne voulait pas salir sa belle robe. Puis, il la fit tourner sur le côté pour en voir les lacets.

Sous quelques murmures choqués qu'il n'entendit même pas tant il était occupé par sa tâche, il commença à les défaire sans la moindre hésitation, avec le geste rôdé de l'habitude. Quand il eut terminé, il s'attaqua au corset sans plus de cérémonie et les noeuds sophistiqués qui permettaient de le fermer ne lui posèrent pas davantage de problèmes.

Quand il estima que c'était bon, il chercha des yeux quelque chose qu'il pourrait lui faire boire. Comme il ne trouvait rien à portée de main qui lui convenait, il se redressa et se dirigea vers le premier noble qu'il vit avec un verre d'eau à la main. Nathanael couvrit la distance qui les séparait en quelques pas décidés et le lui prit, sous ses grands yeux choqués.

- J'vous l'emprunte quelques secondes, merci, pensa-t-il à remercier malgré tout.

Il revint à côté de la jeune femme qui reprenait lentement ses esprits - forcément, quand les poumons étaient de nouveau libre, tout fonctionnait mieux ! - et il l'aida à s'asseoir. Il lui donna le verre.

- Buvez, mais pas trop vite, conseilla-t-il.

Puis, finalement, il releva les yeux et ... il se rendit compte à cet instant que tout le monde le regardait. Ce fut seulement alors qu'il prit conscience qu'il venait de se donner en spectacle, que délasser le corset d'une dame en public ne devait pas faire partie de l'étiquette, et que pour un homme censé se fondre dans la masse, c'était fichu.

Mais quel idiot, Nath !

Au moins, la fille au corset avait l'air d'aller mieux. Il décida de continuer d'ignorer le cercle qui s'était formé autour d'eux pour lui sourire et demander :

-  Ça va mieux ? J'vous ressert de l'eau ?
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Lun 13 Avr - 16:49
Solange de la Contrie
Solange de la Contrie
24
Brebis égarée
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Il se passa au moins une bonne minute avant que Solange ne reprenne conscience. Une minute que sa mémoire, malgré tous les efforts qu’elle pourrait faire, serait incapable de restituer. C’était comme si on avait brisé les contreforts d’un barrage. L’air afflua dans ses poumons comme une rivière dans une vallée. Elle se redressa sur un coude, inspirant avec délices l’air pourtant peu sain de la salle de bal, et ensuite on l’aida à se redresser.

Elle saisit le verre comme si c’était une bouée de sauvetage et aurait englouti son contenu d’un coup si celui qui l’avait délivrée de son carcan ne l’avait pas prévenue de boire doucement

Elle prit donc son temps. Pour se rendre compte ensuite que sa robe et son corset était à moitiés défaits, devant une bonne partie des invités et que de tout ceci, un homme était la cause.

-  Ça va mieux ? J'vous ressert de l'eau ?

Solange, rouge comme une pivoine, le dévisagea avec de grands yeux. Il lui souriait mais elle en était incapable. Solange cligna plusieurs fois des paupières comme si elle n’arrivait pas à croire ce qu’elle voyait, puis d’un geste elle ramena sa robe sur ses épaules et se releva tant bien que mal.

- Merci, … messire.

Comment pouvait-il être ici ? que faisait-il là ?

- Je reprendrai bien un verre d’eau, s’il vous plaît.

Alors qu’il allait lui en chercher un, elle repéra une alcôve plus discrète que le plein milieu de la salle, où elle se réfugia. Cela lui donnerait le temps de reprendre ses esprits et de se soustraire aux regards indiscrets. Les gens, voyant cela, ne s’attardèrent pas plus, mais chuchotaient en s’éloignant. Cette fois le cœur de Solange avait tout loisir de battre comme il voulait, rien ne l’entravait. Plus de corset trop serré. Non maintenant, c’était la gorge de Solange qui était serrée. Une interrogation l’occupait toute entière : était-ce bien celui qu’elle croyait ?

Elle l’avait appelé « messire ». Pourquoi avait-elle fait ça alors qu’elle savait très bien qu’il n’était pas de ce rang-là. Il avait peu changé depuis la dernière fois qu’elle l’avait vu. Même silhouette, même regard. Il avait un peu grandi peut-être, les traits de son visage s’étaient peut-être affirmés, mais en le voyant revenir vers elle, son cerveau ne pouvait plus admettre le doute. C’était bien lui, et elle ne savait pas comment réagir.

Embarrassée, elle détourna le regard de lui et essaya de réajuster le corsage et la robe, à l’abri du rideau, en s’emmêlant les doigts dans les lacets.

Pourquoi, de tous les hommes de l’assemblée, avait-il fallu que ce fut lui, qui vienne lui porter secours ?!
Elle tira brusquement sur un fil, énervée, et ne fit qu’aggraver la situation.

- Foutu corsage, pesta-t-elle.

Elle abandonna, et se passa une main sur le visage. Il était brûlant de gêne. Elle se rendit alors compte que le « garçon du marché » comme elle l’avait longtemps appelé, était là. Après un moment d’hésitation, elle dit enfin :

- Merci. Pour... tout.

Est-ce qu'il pouvait l'avoir reconnue ? cela lui semblait improbable.

- Vous n'êtes pas... euh... avec quelqu'un ce soir ?
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Lun 13 Avr - 18:30
Nathanael Fedrilla
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Au service des haricots
La fille au corset était revenue à elle. De quoi lui faire un peu oublier qu'il venait de se donner en spectacle devant toute la cour du roi. Y en avait-il un seul qui se serait donné la peine de faire quelque chose s'il n'était pas intervenu ? Il n'en était pas certain.

Quand elle lui demanda un autre verre, il bondit sur ses pieds souplement et chercha un pichet d'eau qui pourrait lui permettre de remplir à nouveau le verre de la demoiselle. Puis, il se rappela qu'il avait emprunté ce verre-là à un noble. Alors, tandis qu'il voyait la fille au corset s'éloigner vers une alcôve plus protégée des regards indiscrets, il revint vers ce dernier et lui tendit le verre.

Comme le noble ne faisait pas un geste pour le reprendre, Nathanael le lui remit dans la main, en se sentant terriblement idiot.

- Tenez, vot' verre. Merci.

Le noble se tourna vers sa compagne, et tandis qu'il s'éloignait, Nathanael entendit cette dernière souffler en emmenant son cavalier plus loin :

- Complètement dérangé, ce pauvre homme... Allons danser.

Il remplit un nouveau verre d'eau et revint à grands pas vers la cachette improvisée. Il le tendit à la fille au corset en souriant. Comme elle bataillait avec sa robe, il demanda tout naturellement et sans la moindre arrière pensée :

- Vous voulez qu'j'vous aide ?

Une nouvelle fois, lorsqu'elle détourna la tête d'un air embrassé, il se rendit compte trop tard que ce n'était sûrement pas dans l'étiquette non plus de dire cela à une femme, et il tenta de se rattraper, bien piteusement :

- Fin, j'veux dire, c'est qu'vous avez l'air d'avoir du mal alors j'me dis que j'pourrais p't-être vous v'nir en aide et...

A présent, il était peut-être bien aussi gêné que la pauvre fille et, sous le coup de la honte, il ne termina même pas sa phrase. Non, décidément, il n'était pas fait pour se trouver au milieu du haut monde. Il fallait être fou pour croire qu'il saurait se fondre dans la masse !

Finalement, elle le remercia et il se sentit encore plus idiot. Comment est-ce qu'on faisait, déjà, dans l'étiquette pour répondre quand une jeune femme vous disait merci ? Quelque chose de barbant...

Ah oui ! C'était cela :

- Ce fut avec plaisir, Madame, répondit-il en s'appliquant.

Et il s'inclina, en tâchant de reproduire les courbettes Lioffeloises. Sûrement pas très bien, d'ailleurs. Il s'était à peine redressé qu'elle posa une question, un brin gênée :

- Vous n'êtes pas... euh... avec quelqu'un ce soir ?

Il hésita une seconde, avant de répondre finalement - parce qu'il n'avait aucune raison de mentir sur ce point-là, après tout :

- Non, j'suis tout seul.

Puis, il réalisa que si personne ne l'accompagnait ce soir, elle avait peut-être un cavalier. Pour une jeune femme dans son genre, il aurait trouvé cela normal. Mais si c'était le cas, alors il s'était encore plus ridiculisé qu'il ne le pensait...

Et puis, personne n'était venu pour la voir. Si elle avait été accompagnée, son cavalier se serait fait du souci pour elle, non ? Il lui retourna la question :

- Personne est avec vous ? Vous avez pas d'cavalier pour danser ?
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Lun 13 Avr - 19:04
Solange de la Contrie
Solange de la Contrie
24
Brebis égarée
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Non, définitivement, il ne l'avait pas reconnue. Cela soulagea grandement Solange. Le fait de savoir à qui elle avait affaire et surtout qu'il ne sache pas, lui, qu'elle savait, lui redonnait confiance en elle. La jeune fille alla même jusqu'à risquer un sourire, amusée par son parler courant, très peu couleur locale dans ce monde guindé. Elle s'empara du verre et ne fit pas plus de manières pour l'engloutir d'un trait.

Il était seul. S'il avait été accompagné, elle se serait nécessairement demandé s'il était toujours ... Comment ça mère avait-elle dit, déjà ? ah oui. Vendeur d'amour. Une belle périphrase pour dire quelque chose de moins beau. Mais il était seul. Elle en conclut donc qu'il n'était pas là pour ça, ce qui l'amena à se demander encore : que fait-il ici ?

- Je suis seule aussi, lui répondit-elle. Et... je ne danse pas.

Oh ça non, jamais.

Son visage se colora de nouveau et elle se passa une main sur le visage. Pas étonnant qu'il sache si bien se démener avec un corsage, vu ce qu'elle savait de lui.

- Puisque vous proposez... est-ce que ça vous embêterai de m'aider, pour relacer tout ça ? mais pas trop serré, cette fois.

Elle lui présenta son dos, où un enchevêtrement de fils et de lacets se nouaient en un infernal mêli-mélo. Elle s'en voulait de lui demander cela, la situation était des plus embarrassantes. Si sa mère la voyait, derrière un rideau d'ombres, avec un parfait inconnu, à moitié déshabillé. Encore si c'était un courtisan bien né. Mais là... sa mère ferait une syncope à coup sûr. L'idée, plutôt que de démoraliser Solange, l'amusa. Alors qu'il remettait de l'ordre dans sa tenue, elle sourit.

- Au fait, j'm'appelle Solange. Et vous ?

Après des années à se demander comment s'appelait ce garçon, elle aurait enfin sa réponse. Fallait-il qu'elle lui dise qu'elle se souvenait de lui ? Est-ce que ça ne le mettrai pas dans l'embarras ? Pas plus que dans la situation où ils se trouvaient déjà, en tout cas.

Non. D'abord, essaies de comprendre ce qu'il fait ici, ensuite tu aviseras. Parce que c'est tout de même bizarre.
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Lun 13 Avr - 19:50
Nathanael Fedrilla
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Au service des haricots
Nathanael fut soulagé qu'elle soit seule. Parce que s'il se sentait déjà idiot à cet instant, il l'aurait été encore plus si un homme était venu à cet instant pour le voir se démener avec ses propositions d'aide. Mais qu'est-ce qui lui était passé par la tête de demander cela, bon sang ? Il ne faisait que s'enfoncer davantage...

- Vous dansez pas ? J'croyais que...

Il se tut brutalement en se rendant compte que s'il continuait sa phrase comme il l'avait commencée, il risquait de se trahir. Il secoua la tête et recommença du début, en modifiant son idée :

- J'veux dire que j'croyais qu'tout les invités savaient danser...

Sauf lui, bien sûr, mais on ne pouvait pas vraiment le considérer comme un noble. Ni même comme un invité, d'ailleurs. Il était un cas à part. Il n'avait pas sa place, ici. Définitivement pas. Il était aussi peu discret qu'un hippopotame au milieu de chats.

Il resta un moment interdit quand elle accepta finalement son aide et qu'elle lui présenta son dos. Les lacets de la robe et du corset étaient tout emmêlés. Il les regarda bêtement puis il hocha la tête et s'activa. Après avoir défait ce corset, voilà qu'il se trouvait à la rattacher...

Il se râcla la gorge, pour essayer de chasser la gêne et s'attaqua à démêler les fils les uns des autres. Un vrai capharnaüm. Et tandis qu'il remettait tout en ordre, il crevait de honte et se traitait mentalement de tous les noms possibles et imaginables. Bientôt, les lacets furent désentortillés et il put relacer le corset avec davantage de facilité.

- C'pas trop serré, comme ça ? demanda-t-il en nouant le bas de l'outil de torture.

Quand elle lui eut répondu, il continua sa tâche en silence. Il allait s'attaquer à la robe quand elle se présenta. Cela eut le don de l'arrêter dans son activité mais il reprit bien vite. Il eut un moment d'hésitation, pour réfléchir à la meilleure manière de se présenter. Qu'est-ce qu'il avait appris, déjà, pendant les leçons ?

Comme il ne parvenait pas à s'en rappeler et qu'hésiter aussi longtemps à dire son nom risquait d'attirer de nouvelles questions encore plus délicates, il décida de répondre le plus directement possible pour ne pas risquer de faire de nouvelles erreurs :

- Nathanael.

Il se souvint de sa rencontre avec Edra de Lettald en début de soirée, de la manière qu'elle avait eu de se présenter puis de répondre alors il se décida à l'utiliser - pour faire bonne figure.

- J'suis enchanté, Madame Solange.

Dans la rue, toutes ces manières-là n'existaient pas. On disait simplement bonjour, et encore... c'était dans le meilleur des cas. La plupart du temps, on se contentait tout simplement d'un coup de poing dans le visage. Et c'était là toute l'introduction de la conversation qui suivait...

Enfin, et à son plus grand soulagement, il arriva au bout des lacets de la robe et il recula.

- Voilà. C'est bon. J'ai fini, conclut-il.

Autant utiliser des phrases courtes. Ainsi, il risquait moins d'avaler toutes les syllabes et de s'enliser dans des formulations peu gracieuses... Comme il ne savait pas quoi dire pour occuper la conversation - et s'occuper les mains par la même occasion -, il sortit un des gâteaux qu'il avait mis de sa poche en prévision de la fin de soirée et le tendit à la jeune femme.

- Hum, vous avez p't-êt' faim après c'qui s'est passé ? Vous pouvez l'prendre, j'vous l'donne...
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Lun 13 Avr - 21:38
Solange de la Contrie
Solange de la Contrie
24
Brebis égarée
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Il parut bien étonné qu'elle ne danse pas. Mais Solange était persuadée qu'elle n'était pas la seule, qui - à défaut de ne pas savoir danser - ne voulait tout simplement pas tourner en rond sur une piste de danse. Cependant, elle ne dit rien. Elle se doutait qu'il ne devait pas être plus habitué qu'elle aux usages de la cour, et compte-tenu des efforts évidents qu'il faisait pour parler sans mâcher la moitié de ses mots, le langage codifié en vigueur devait lui être bien pénible.

Il mit un peu de temps avant de venir à bout des lacets du corset. Solange le sentit pourtant peu à peu reprendre sa place, au fur et à mesure que les nœuds étaient faits. Elle se sentait serrée, juste ce qu'il fallait, et à la fin, quand il eut terminé cette première étape, elle le remercia sincèrement.

- C'est serré comme il faut, merci infiniment. Vous faites ça mieux que ma domestique.

Il s'attela ensuite à la robe, après lui avoir dit son nom. Nathanael. Un joli prénom, qu'elle n'avait encore jamais entendu. Son "madame" lui tira un sourire amusé. Non, décidément, la cour lui était inconnue. Mais le résultat de ce laçage improvisé était tout à fait satisfaisant. Solange n'avait plus la taille ni la poitrine comprimée, elle pouvait respirer librement, tout en étant vêtue correctement.

- C'est bien plus confortable qu'avant. Je suis sûre de ne plus m'évanouir à présent. Je pourrais même courir s'il le fallait.

D'autant que ses seins ne menaçant plus de jaillir à la moindre incartade, les avertissements de Maery n'avait plus lieu d'être. Et elle pourrait manger en plus ! D'ailleurs, comme s'il lisait dans ses pensées, Nathanael lui proposa un gâteau. Une sorte de biscuit au beurre dans lequel étaient disséminées des pépites de chocolat. Solange le remercia d'un sourire en prenant le gâteau, dont elle croqua allègrement un bout.

- Hum... ch'est bon, ch'en avais chamais manché, dit-elle la bouche pleine, en écartant le rideau.

La lumière des candélabres les éclaira de nouveau. A présent Solange se sentait vraiment prête à affronter le bal et ses épreuves. Elle réajusta son masque qui s'était un peu déplacé, puis se tourna à demi vers son compagnon. Elle croqua un autre morceau.

- Chincèrement, che crois que che ne vous remerchierai chamais assez pour cha. Accompagnez-moi au buffet, si vous voulez.

Cette invitation hors des cadres de l'étiquette ne sembla pas lui déplaire et ils rejoignirent la tablée la plus proche, où Solange prit cette fois un grand verre de jus de fruit. Sa curiosité était malmenée, des questions lui brûlaient la langue et elle devait se refréner pour ne pas les poser toutes d'un coup et de but en blanc. Elle prit une longue gorgée de jus d'orange parfumé, hésita un instant, puis lança à mi-voix :

- Alors, d'où venez-vous, monsieur Nathanael ?

N'était-ce pas le bon moment pour en apprendre plus sur lui qu'un échange des plus banals autour d'une bonne tablée ? Elle comptait commencer par les choses simples avant d'aborder des sujets plus délicats. Si elle en avait le courage.
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Mar 14 Avr - 11:40
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
56
Au service des haricots
Nathanael ne répondit rien quand elle le remercia de nouveau, parce qu'il ne voyait pas vraiment ce qu'il était censé dire. Il était cependant bien content que la jeune femme lui tourne le dos à cet instant parce qu'il était sûr d'être aussi rouge qu'une pivoine. Au moins lui assurait-elle qu'elle n'allait plus s'évanouir, et c'était à sa plus grande joie. Parce que c'était terriblement gênant ! Encore heureux que le rideau les cachait un peu des yeux inquisiteurs qui se tournaient parfois dans leur direction...

Elle sembla heureuse qu'il lui propose un gâteau - comment ces biscuits s'appelaient-ils d'ailleurs ? - et elle croqua dedans avec appétit. Et, chose surprenante, elle parla sans même prendre la peine de terminer sa bouchée.

Étrangement, cela le mit aussitôt plus à l'aise, quand bien même elle le remerciait de nouveau en écartant le rideau. Il haussa des épaules, toujours sans répondre et la suivit docilement jusqu'au buffet. Après tout, c'était bien la première personne qui ne s'offusquait pas de ses manières quelques peu rustiques et il attirerait sûrement moins l'attention s'il était accompagné. De plus, il avait encore faim et il comptait bien continuer son festin !

C'était une sensation plutôt drôle mais il avait la sensation qu'avec elle, il avait moins besoin de faire attention à son attitude. Ne venait-elle pas de parler la bouche pleine ? Il doutait fortement que cela soit écrit dans les règles de bienséance. Alors, ça voulait dire qu'elle n'était sûrement pas très à cheval sur les coutumes de la cour ?

Tandis qu'elle prenait un verre de jus de fruit, Nathanael attrapa un petit cake aux cerises qu'il engloutit presque en une bouchée. Qu'est-ce que c'était bon ! Et puis, soudain :

- Alors, d'où venez-vous, monsieur Nathanael ?

La première chose qui retint son attention fut que c'était la seconde fois qu'elle lui donnait un titre. D'abord messire, puis maintenant, monsieur. Il n'en avait pas l'habitude. Habituellement, c'était à peine si on l'appelait par son prénom et qu'on ne se contentait pas de : eh toi !

Puis, il se concentra davantage sur la question. Une question délicate... Il ne pouvait décemment pas dire qu'il habitait à plein temps dans la rue mais il avait l'impression que c'était inutile de mentir. Comme si elle avait déjà compris la vérité. De toute manière, il ne fallait pas être devin pour la comprendre...

- J'suis pas vraiment habitué à tout ça. C'la première fois qu'j'viens là, on m'a d'mandé d'faire un travail.

Puis, pour occuper l'attention de Solange ailleurs que sur lui et sur ce fameux travail, il lui demanda, en prenant un nouveau cake aux cerises - parce que c'était délicieux !

- Vous êt' d'jà v'nue, vous ? Pas vrai qu'c'drôlement beau, Madame Solange ?

Il savait bien que ce n'était certainement pas comme cela qu'il aurait dû l'appeler, mais il ne se souvenait plus des titres qu'on avait tenté de lui enseigner. Oh, bien sûr, on lui avait donné une liste mais il ne savait pas lire, alors à quoi bon ? Le seul dont il arrivait à se souvenir, c'était : Votre Majesté. Et pour le coup, cela lui semblait beaucoup trop décalé...

De nouveau gêné, il se concentra sur ce qu'il était en train de manger.

- Dites, j'peux vous poser une question, Madame Solange ? Ça vous gên'rait pas d'm'aider un peu ?
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Mar 14 Avr - 12:49
Solange de la Contrie
Solange de la Contrie
24
Brebis égarée
https://www.wattpad.com/user/Sl4shh
Nathanael étant occupé à engloutir un cake, Solange ne releva pas le temps qu'il mit à lui répondre. De toute façon, elle connaissait déjà en partie la réponse. Elle pouvait d'ores et déjà éliminer pas mal d'endroits du royaume.

- J'suis pas vraiment habitué à tout ça. C'la première fois qu'j'viens là, on m'a d'mandé d'faire un travail.

Solange faillit s'étouffer dans son jus d'orange. Un travail ? lequel ? elle toussa pour faire passer le jus avalé de travers, et les yeux larmoyants, elle reposa le verre sur le buffet. Il lui avait bien affirmé qu'il était seul, non ? alors quel travail pouvait-il bien faire ? Elle prit le temps de reprendre une gorgée pour garder contenance. Mais n'eut pas le loisir de l'interroger davantage (de toute façon, elle n'était pas sûre de vouloir connaître la nature de son travail), puisqu'il enchaîna sur un autre cake aux cerises et un autre sujet.

- Je suis venue une fois, quand j'avais sept ou huit ans. J'étais avec ma mère.

Elle fit tourner son verre dans sa main. Un peu pensive. La scène du marché ne pouvait pas rester en retrait dans son esprit. La seule fois où elle était venue auparavant, elle l'avait croisé. Et ce soir, de nouveau, elle se trouvait en sa présence. Sauf qu'à présent c'était lui qui piquait à manger dans le "marché" ouvert de la salle. N'empêche, encore une fois, il lui était venu en aide. Elle lui jeta un regard en coin, puis sourit à demi.

- Oui, c'est drôlement beau. Peut-être un peu trop même. Et appelez moi Solange. Je ne suis pas "madame". En plus je crois qu'on a dépassé le stade des salamalecs de convention, vous ne croyez pas ?

Après avoir délacé et relacé son corsage, il pouvait bien l'appeler par son prénom. Ils n'étaient plus à ça près. Son sourire s'effaça lorsqu'elle se souvint de ce qu'il venait de lui dire : il travaillait. Et de ce qu'elle savait de son travail, cela ne devait pas être très facile pour lui. elle dissimula une nouvelle fois sa gêne dans son jus d'orange, et elle faillit de nouveau avaler de travers lorsqu'il lui demanda de l'aide.

- De l'aide ?

Elle reposa - définitivement - son verre, vide, sur la table.

- A quoi voulez-vous que je vous aide, Nathanael ?

Et inutile de dire que la réponse lui faisait peur.
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Mar 14 Avr - 15:01
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
56
Au service des haricots
Nathanael lui jeta un coup d'oeil inquiet quand Solange recracha à demi la gorgée de jus d'orange qu'elle venait de prendre. Quoi ?! Est-ce qu'il avait dit quelque chose qu'il n'aurait pas dû, encore une fois ? Elle reposa le verre sur le buffet le temps de tousser et le jeune homme resta, cakes en mains, à se demander ce qu'il était censé faire.

Mais visiblement, et à son plus grand soulagement, il n'avait fait aucune nouvelle erreur car quand elle fut calmée, elle répondit à sa question comme si de rien. Il hocha la tête et reprit son festin, en attrapant une tranche de saumon fumé avec les doigts alors même qu'il avait encore plein de gâteaux dans les mains. Il la mangea avec appétit sous les yeux exhorbités des nobles alentours, qui chuchotèrent à leur voisin.

Solange, elle, avait repris son verre et le faisait tourner dans sa main. Finalement, elle lui adressa un nouveau sourire. Au début, il hésita puis il hocha la tête en souriant à son tour.

- D'accord, Madame Solange. J'vous appelle just' Solange maint'nant.

Mais elle avait raison. Après tout, au point où ils en étaient, autant oublier les titres de politesse qui n'étaient, de surcroît, même pas les bons. Puis, en voyant le sourire lumineux de la jeune femme s'éteindre sur ses lèvres, il se sentit encore idiot. Avait-il fait encore quelque chose de mal ? Bon sang, mais ce n'était pas possible !

Pourtant, non, encore une fois, elle ne lui signala rien. Cela ne faisait que le renforcer dans son idée qu'il avait besoin d'aide, et d'une bonne, très vite. Il se concentra sur les dessins brodés de la nappe et joua avec du bout de l'ongle en cherchant ses mots pour lui présenter sa demande.

- C'est qu'j'comprends pas grand chose à vrai dire...

Il fit un geste vague en direction de la salle, et des danseurs. Pour ainsi dire, il ne comprenait même rien du tout et il avait déjà fait plus d'erreurs en une heure qu'il n'avait de doigts. Alors en une nuit... il ne voulait pas y penser ! Tout ce qu'il voyait, c'était que son monde à lui et celui-là étaient radicalement opposés et qu'il se retrouvait jeté dans un océan de bonnes manière, alors qu'il ne savait même pas nager.

Mais Solange était forcément plus expérimentée que lui, non ? Elle pourrait sûrement lui venir en aide un peu...

- J'me suis dit que p't-êt' vous pourriez m'expliquer ? Vous comprenez, vous, pas vrai ?

Il lui adressa un regard rempli d'espoir, en espérant qu'elle dise oui. Il attirait trop l'attention, à l'heure actuelle. Il s'était trop fait remarqué, mais si ses erreurs pouvaient lui servir un peu pour la suite de la soirée, il fallait tenter...
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Mar 14 Avr - 22:34
Solange de la Contrie
Solange de la Contrie
24
Brebis égarée
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Elle le dévisagea alors qu’il s’expliquait. Sa manière de parler lui rappelait qu’il y avait un extérieur à ce palais. Un extérieur qu’elle aimait bien plus que ce confort, cette abondance de luxe, de mondanités et de nourriture. Un extérieur où la vie était plus difficile mais plus méritoire. Il devait être nerveux, ses doigts jouaient avec les jolies et fines broderies de la nappe. Il n’avait pas des mains de noble. Elles n’avaient pas la blancheur des oisifs, et ne devaient pas non plus en avoir la douceur. Il avait un petit « v » blanc sur la tranche de la main, juste au-dessus du dernier doigt.

Si Solange avait encore des doutes sur son interlocuteur, à présent elle était sûre de son identité. Le petit garçon du marché avait la trace d’une récente morsure de chien à cet endroit, et le jeune homme rencontré à une fête plusieurs années après, avait la même marque, plus effacée. Une cicatrice laissée par la rue. Elle inspira longuement. C’était bien lui.

Elle reprit la mesure de la réalité quand il lui désigna la salle alentour, elle chassa ses pensées divagantes et observa, elle aussi, les gens autour d’elle. Il y avait toute sortes de gens, mais la plupart était de la noblesse et elle voyait ce qu’il voulait dire par « j'comprends pas grand-chose ». Avec son accent venu d’on sait où, bien différent de ce petit ton guindé et nasal de certaines personnes ici présentes, il ne pouvait manquer d’attirer l’attention.

Et quoiqu’il fît en ces lieux, son intention n’était certainement pas de se faire remarquer. Du moins par son manque de capacité à se fondre dans la masse.

Le problème c’est qu’il s’adressait à la mauvaise personne. Elle avait la « chance » d’être née dans ce monde, alors elle y était nécessairement plus à l’aise que lui. Elle pouvait barboter à défaut de nager la brasse parfaitement. Ses yeux étaient pleins d’espoir, et elle ne put s’empêcher de lui sourire.

- Je veux bien vous aider Nathanael. Mais je ne peux pas faire de miracle. Je ne pourrais vous apprendre que ce que je sais…

C’est-à-dire le minimum.

- …et il y a aussi des choses que je ne comprends pas.

Comme par exemple, votre présence en ces lieux.

Elle baissa le regard sur le buffet. Elle l’avait vu engloutir ce poisson tout à l’heure… elle pourrait commencer par là. Ses mains jouaient toujours avec la broderie.

- J’ai remarqué que vous mangiez beaucoup, dit-elle en désignant le buffet.

Son sourire compatissant, se mua en sourire amusé, elle tendit la main vers un saumon, qu’elle prit comme lui un peu plus tôt, à mains nues. Une donzelle lâcha une exclamation dégoûtée et Solange ne se priva pas pour lui tirer la langue, moqueuse. Et puis elle croqua dans le poisson à belles dents, en la regardant droit dans les yeux, le sourcil levé comme pour dire : « T’as quelque chose à ajouter, pétasse ? ».

Ensuite, toujours mâchant, et entre deux léchages de doigts, elle regarda Nathanael en coin.

- Ce que je fais-là, faut jamais le faire.

Elle attrapa deux serviettes, en donna une à Nathanael et utilisa l’autre pour s’essuyer les mains et les contours de la bouche. Elle avait fini son saumon.

- Bon. Prenons ce hareng saur qui pue, là, sur le plateau. Imitez-moi.

Solange, plia sa serviette en quatre, qu’elle glissa sur son avant-bras, elle prit ensuite une pince en métal, destinée à attraper un met sans y toucher. Avant de saisir le poisson, elle prit une large tranche de pain dans une corbeille. Ensuite, elle s’attaqua au poisson, elle réussi à en faire glisser un dans la pince, qu’elle referma dessus. Elle éleva le hareng au-dessus du plat, puis vint le poser sur sa tranche de pain. Elle donna la pince à Nathanael, puis déplia sa serviette d’une main, qu’elle passa ensuite sous la tranche de pain.

- Voilà. Vous avez ainsi un poisson (qui sent vraiment très fort), une tranche de pain, et les mains propres.

Solange voulait poursuivre sa démonstration en agrémentant son plat improvisé de quelques olives. Elle se pencha de nouveau au-dessus de la table, s’empara de la cuillère pour se servir généreusement en olives, et concentrée, les déposa une à une sur sa tranche de pain autour du poisson. Jusqu’à présent tout se passait bien. Solange n’avait jamais été aussi attentive à faire ce genre de choses correctement.
C’est lorsqu’elle remit la cuillère dans son support que les choses partirent en cacahuètes. La tranche de pain qu’elle tenait s’inclina légèrement et deux olives décidèrent que c’était une occasion merveilleuse pour partir en voyage. Elles roulèrent jusqu’au bord de leur monde (la tranche de pain) et tombèrent dans l’espace infini de leur univers (le reste de la salle) avant de rencontrer un astéroïde imprévu (le sol) où elles décidèrent d’établir domicile. Elles roulèrent encore un peu avant d’élire domicile à l’ombre (sous la robe de Solange).

La jeune fille toute fière se tourna vers Nathanael.

Elle glissa sur les olives.

Et sans comprendre comment, entraînant avec elle, pour la deuxième fois de la soirée, une partie de la nappe du buffet, elle se retrouva entourée de poissons, éclaboussée de sauce, les quatre fer en l’air.
Voyant Nathanael à travers un rideau de spaghettis, elle lâcha, un tantinet déçue par cette chute :

- Bon… ça non plus, il faut pas faire.

Des serveurs accouraient déjà pour l’aider à se relever et à nettoyer tout ça.
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Mer 15 Avr - 9:49
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
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Au service des haricots
Nathanael fut immensément soulagé à l'idée qu'elle puisse accepter. Même si elle n'était pas experte en la matière, ça ne faisait rien. Elle serait toujours meilleure que lui et à ses yeux, rien ne pouvait se perdre. Alors, en guise de remerciment, il lui adressa son plus beau sourire.

La première leçon ne tarda pas à arriver et comme un élève modèle, Nathanael se concentra sur les gestes de la jeune femme. Solange lui désigna le buffet d'un geste de la main et déclara :

- J’ai remarqué que vous mangiez beaucoup.

C'était vrai. Il avait englouti une quantité phénoménale de nourriture depuis qu'il avait mis les pieds au palais. Mais il voulait en profiter au maximum. Il avait ce besoin, presque vital, de se gaver - même si pour cela, il devait s'en rendre malade, ça importait peu. Il acquiesça et la regarda sans rien dire attraper une tranche de saumon avec les doigts.

Elle souriait d'un air amusé et devant l'expression outrée d'une autruche, elle tira la langue et fourra le saumon tout entier dans sa bouche. Avant de lui préciser enfin qu'il ne fallait jamais le faire. Hum, ça commençait bien. Parce c'était ce qu'il faisait depuis très exactement... une heure.

- D'accord Madame So...

Il s'interrompit brusquement et se reprit aussitôt :

- 'Fin, j'veux dire : just' Solange. J'l'prendrais plus 'vec les doigts.

Encore fallait-il savoir comment faire autrement mais il supposait que c'était ce qui allait suivre. La jeune femme venait d'attraper deux serviettes brodées et elle lui en tendit une. Nathanael la tint du bout des doigts de peur de la salir et il regarda bêtement Solange s'essuyer les mains et la bouche. Puis, elle se tourna vers un plat. Du hareng. Nathanael n'y avait pas encore goûté alors il y prêta encore plus attention.

Avec beaucoup d'application, Nathanael s'attacha à la lourde tâche qu'elle lui demandait : l'imiter. Il plia la serviette comme elle, la posa sur son bras comme elle et la regarda prendre une pince en métal posée là. L'un des fameux couverts que la domestique avait voulu lui faire utiliser tout à l'heure.

Puis, Solange prit une tranche de pain et, avec la pince, elle coinça le hareng à l'intérieur avant de lui donner l'outil, avec l'intention évidente qu'il en fasse de même. Il prit une inspiration nerveuse, comme avant de monter sur scène. Bien, c'était à son tour maintenant.

En s'y reprenant à trois fois, il finit par réussir à pincer le hareng - non, décidément, c'était plus facile avec les doigts, il ne comprenait pas pourquoi on devait s'embêter avec cette chose ! - tandis que Solange continuait la préparation de son plat. Elle se servit une généreuse cuillère d'olives et les disposa sur sa tartine, avec le hareng.

Nathanael en vit glisser deux au sol mais il eut à peine le temps d'ouvrir la bouche pour lui dire de faire attention que, ni une ni deux, elle chavirait déjà - pour la seconde fois de la soirée. En entraînant avec elle une bonne partie de la nappe, dont un plat de nouilles qui se retrouva pour la majorité dans ses cheveux...

Aussitôt, des serveurs accoururent pour aider à tout remettre en ordre. Et Solange, devant un Nathanael attéré, conclut :

- Bon… ça non plus, il faut pas faire.

Il hocha la tête et, posant la pince avec le hareng toujours à l'intérieur à même la nappe sans se soucier de la tâcher, il lui tendit une main pour lui venir en aide :

- Vous avez b'soin d'aide pour vous r'lever ?

Et même si la jeune femme venait de s'étaler de tout son long, Nathanael lui était vraiment reconnaissant. Quand elle fut de nouveau debout, il regarda sa robe avec un air désolé et remarqua :

- Vot' robe est toute sale. Vous êt' pas fait mal, au moins ?

Puis, il revint vers le buffet et la pince de hareng toujours posée sur la nappe - parce qu'il n'avait pas oublié qu'il devait goûter à ce poisson. Il la reprit, attrapa une tranche de pain et déposa le poisson dessus.

- Voilà ! Et quand j'ai fait tout ça, j'peux manger, maint'nant ?
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Mer 15 Avr - 11:26
Solange de la Contrie
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24
Brebis égarée
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Elle accepta avec reconnaissance l’aide de Nathanael pour se relever. Les domestiques s’affairèrent rapidement autour d’elle. Il y en avait trois qui s’occupaient de ses cheveux et au moins autant s’employaient à débarrasser la robe des fioritures alimentaires qui l’ornaient.

- Vot' robe est toute sale. Vous êt' pas fait mal, au moins ?

- Non, pas de mal. Juste les restes de mon amour-propre qui viennent de se carapater.


Elle souleva un misérable volant de dentelle trempé de sauce, avec un soupir. Pour le coup, elle s’en voulait. Sa mère avait dépensé une bonne partie des économies du domaine pour cette belle robe. Elle avait ruiné la robe. Et par conséquence le duché de la Contrie. Elle dépiqua la broche, peu confiante vis-à-vis des domestiques, qui pourraient profiter de l’occasion pour la lui dérober.

- Voilà ! Et quand j'ai fait tout ça, j'peux manger, maint'nant ?

Elle reporta son attention sur Nathanael, et hocha la tête en souriant.

- Oui, maintenant vous pouvez. En fait, c’est assez simple : vous utilisez les serviettes et les ustensiles pour ne pas vous salir les doigts, et le pain comme assiette. Et vous pouvez déguster.

En quelques cinq minutes, il n’y avait plus trace de spaghettis dans ses cheveux, mais ceux-ci avaient un étrange aspect lustré et gras, il fallait bien le dire. De même la robe n’était heureusement pas tâchée. Les domestiques devaient vraiment avoir l’habitude de ce genre de choses pour faire de tels miracles. Seulement quelques bouts de tissus restaient humides. Et Solange se sentait sale et malodorante.

A vrai dire, peut-être que ça l’aurait amusée, si elle n’était venue là que pour s’amuser. Elle aurait parcouru la salle de long en large, épouvantant les donzelles et les vieilles dames par son apparence et son odeur.

Mais ainsi, le roi accepterait-il seulement de la rencontrer ? elle le ferait fuit rien que par son odeur. Elle soupira et tomba assise sur une chaise. Se passant une main sur le front elle chercha une solution, picorant une ou deux olives en passant.

Elle se redressa soudain, faisant sursauter une vieille dame à côté. Avec un hoquet de surprise, la vieille monta son monocle pour observer Solange, tout en portant un délicat mouchoir parfumé à son nez.

- Nathanael. Il faut que je m’arrange un peu. Est-ce que vous pourriez me garder ma broche quelques minutes, je reviens, promis. S’il-vous-plaît, vous serez un ange.

Après cela, elle lui claqua un bisou sur la joue, et se détourna pour partir. Mais elle s’arrêta net en réalisant ce qu’elle venait de faire.

- Oups.

Elle jeta par-dessus son épaule.

- Pardon, je suis un peu trop spontanée parfois !

Et elle s’éloigna vraiment.
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
Mer 15 Avr - 18:34
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
56
Au service des haricots
Nathanael était au moins soulagé qu'elle ne se soit pas fait mal. Quant à l'amour-propre, il comprenait parfaitement de quoi elle parlait. Après tout, c'était lui que toute la salle pensait dérangé à cause de cette histoire de corset...

Il se reconcentra sur son repas, jusqu'à ce qu'il relève la tête vers Solange. Il avait réussi sa première leçon, et il fallait bien reconnaître qu'il était fier de lui. Il nota dans sa tête les trois grandes étapes : utiliser une serviette, les couverts et le pain pour mettre dessus. Bien. Il avait compris. Même s'il avait un doute sur le fait que ce soit assez simple. Après tout, se servir des ustentiles en question n'allait pas s'avouer une chose aisée. Il y en avait tellement de différents !

Quand elle se redressa brutalement, alors que Nathanael avait croqué à pleines dents dans le pain et le hareng - et toutes les précautions ne l'avaient pas empêché de s'en mettre plein les mains - il se tourna vers elle en souriant. Pour lui montrer qu'il avait compris les consignes et qu'il les appliquait.

Il lui jeta un regard surpris quand elle l'appela. C'est vrai, elle sentait un peu fort mais rien de bien insupportable à ses yeux - ou plutôt à son nez. Il avait senti bien pire, il fallait le dire... Mais cela semblait être un problème qui lui tenait à coeur alors il hocha la tête :

- Oui, d'accord, j'vous garde vot' broche.

Dans tous les cas, il n'avait pas vraiment dans ses projets de quitter le buffet. Enfin, sauf si des consignes arrivaient mais il verrait sur le moment dans tous les cas. Il prit la broche qu'elle lui tendait. Un beau bijou, tout doré. Il n'avait jamais eu quelque chose d'aussi beau dans les mains. Ce fut presque religieusement qu'il la rangea dans une de ses poches et qu'il assura :

- J'y f'rais très attention, promis.

Sur ce, Solange lui posa un bisou sur la joue et fit volte-face, laissant un Nathanael figé devant sa tartine de hareng saur, soudain très rouge.

- Oups, entendit-il dans son dos alors qu'il n'avait toujours pas fait un geste Pardon, je suis un peu trop spontanée parfois !

Il ne répondit rien et se reconcentra sur sa tartine avec beaucoup de soin, tandis qu'il entendait ses pas s'éloignait dans son dos.
Re: 19h00 - Filet mignon... trop serré (terminé)
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