Le bal progressait lentement, sans accroc. Nathanael était certes resté la plupart du temps au buffet - un merveilleux poste d'observation, soit dit en passant ! - mais il n'avait pas vu grand chose. Hormis cette Edra de Lettald, mais dont l'affaire était finalement soldée. Désormais, elle n'était plus de son ressort et il pouvait, pour le moment, profiter de la fête sans encombre.
Enfin, sans encombre.
C'était un joli euphémisme pour lui, qui enchaînait maladresse sur maladresse sans le vouloir. Féliciter ici une femme sur sa graisse, défaire là un corset trop serré, renversé un verre ou une assiette, balbutier quelque langage incompréhensible et bien mal articulé pour ces nobles... Non, finalement, cette soirée était une véritable catastrophe. Il regrettait terriblement cet instinct qui l'avait poussé à accepter quand on avait parlé de nourriture.
Plus de plats que vous n'aurez jamais vu.
C'étaient les mots exacts, et sur ce point, on pouvait dire qu'on ne s'était pas moqué de lui. Malgré tout... il réalisait maintenant à quel point il s'était agi de tendre la carotte pour mieux sortir le bâton ensuite. Car c'était bel et bien plus qu'un bâton qui l'attendait, s'il échouait plus tard. Mais il n'avait pas la moindre piste. Il faisait face à des gens bien plus expérimenté que lui dans les faux-semblants.
Demandez lui de tuer, il savait y faire.
Demandez lui de mener l'enquête, les choses se compliquaient.
Par moments, il ne parvenait même pas à comprendre le sens de la phrase. Alors faire davantage. C'était beaucoup demander, pour son manque flagrant de culture, et le roi en avait forcément conscience. Quels objectifs avait-il donc ? Cette question l'angoissait de plus en plus, comme il comprenait que ce ne serait pas à son avantage. Il passait et repassait ses doigts sur les broderies de la nappe quand une voix attira son attention.
Il releva les yeux et tomba sur une femme qui le regardait avec insistance. Une jolie femme, bien vêtue, blonde, qu'il ne se rappelait pas avoir déjà vue. Nathanael passa ses mains dans ses cheveux, pour repousser les quelques mèches qui s'étaient défaites du catogan qui les tenait en arrière.
Il ne savait pas exactement ce qu'il était censé répondre, alors il lâcha un :
- C'très bon, mais j'crois qu'j'ai pu faim.
Chose qui lui semblait très importante à dire, lui qui avait toujours eu la faim au ventre. Mais sans doute que cette femme s'en fichait bien.