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7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Jeu 18 Juin - 18:01
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
56
Au service des haricots
Quand on le réveilla, il était encore tôt : il ne faisait même pas jour. Nathanael avait passé la nuit au coin d'une rue, au milieu des déchets. Pas très apétissant, mais il s'en dégageait une certaine chaleur et à défaut de mieux, c'était toujours plus douillé que les pavés durs et froids de la rue. Cela restait néanmoins un tas d'immondices de toutes sortes et l'odeur, pour nez qui n'était pas habitué, était franchement désagréable. Lui, il s'en fichait, il avait l'habitude, mais ce n'était visiblement pas le cas de l'homme qui le secouait avec une grimace de dégoût.

Nathanael se redressa à peine. Il dormait tout juste depuis une heure et il avait encore sommeil. Quel était encore cet intrus qui trouvait le moyen de venir le déranger ? L'homme était bien habillé, mille fois mieux que lui. Sur sa livrée, bien que dissimulé par les pans d'une cape, il y avait un soleil levant. Le symbole du royaume.

- Mais vous n'êtes pas prêt ? s'écria l'homme en le secouant encore, visiblement exaspéré. Il était écrit que l'on viendrait vous chercher pour mardi, six heures ! Il est six heures passées depuis une demi-heure ! Vous n'avez pas eu le message, par tous les diables ?

Nathanael haussa des épaules mais il se leva malgré tout avec un grognement. On. C'était ceux qui lui avait proposé cet étrange travail. Il se posait de nombreuses questions à ce propos mais on lui avait proposé plus de nourriture qu'il n'en avait jamais vue. Alors il n'avait pas vraiment hésité pour accepter.

Et ces imbéciles, pour lui donner rendez-vous, n'avait pas trouvé meilleur moyen que de lui faire parvenir un message. Il essuya ses vêtements pour enlever les épluchures qui s'y étaient prises.

- J'sais pas lir' t'façon, grommela-t-il.

Le domestique du palais eut un geste vague de la main et sans attendre qu'il soit prêt à le suivre, il repartit dans le sens inverse, en marmonnant quelque chose qui ressemblait fort à : même pas capable de voir leur chance, ces pouilleux ! Nathanael lui emboîta le pas. Il ne dit rien, pas plus qu'il ne s'offusqua - cette idée ne lui serait pas venu à l'esprit.

L'homme ne décrocha pas un mot de tout le trajet.

Ils finirent par arriver au palais. Nathanael n'en était jamais venu aussi près - les gardes ne le laissaient jamais approcher et passer devant eux en toute légalité avait quelque chose de grisant. Il ne put s'empêcher de leur tirer la langue en passant. A l'intérieur, c'était encore plus luxueux qu'à l'extérieur et, sous le coup de la surprise et de l'émerveillement, il fut incapable de garder la bouche fermée. C'était si beau ! Et dire que certaines personnes avaient ce paysage sous les yeux tous les jours quand lui dormait sur un tas de déchets - et cela, quand il avait de la chance !

On le guida à travers les couloirs du palais - sans croiser personne d'autre que les gardes à l'entrée - et le domestique ouvrit finalement une porte pour le laisser entrer dans une salle plus sobre que les autres, mais toujours aussi belle du point de vue de Nathanael.

La porte se referma sans le moindre mot de la part du domestique mais Nathanael ne s'en offusqua pas. Il était trop occupé à faire un tour complet sur lui-même, ébahi, les yeux grands ouverts pour ne manquer aucun détail. Sous ses pieds nus, la moquette du salon était toute douce. Finalement, ses yeux tombèrent sur un fauteuil où un homme était installé et l'observait avec attention.

Il ne dit rien pour le saluer. Pas un geste, pas un mot. Ses yeux venaient d'être attirés par un vase dans un coin, qu'il avait vraiment très - très - envie de toucher.
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Ven 19 Juin - 16:05
Le Masque
Le Masque
228
Maître des Destins

Gaspard






Fidèle majordome de Lioffel, 50 ans.



Gaspard était au service de sa Majesté Lioffel XX, depuis... Depuis toujours, ou presque. Il le suivait comme son ombre, le connaissait comme personne et le servait avec un dévouement sans limite. Gaspard était né pour servir. Et qui pouvait se targuer de servir un Roi? Être majordome de Lioffel n'avait rien de dégradant, bien au contraire, c'est une place prestigieuse, qui lui offrait de nombreux avantages.

Ce matin là, il avait une mission particulière. Il avait encore les paroles du Roi en tête:

- Mon cher Gaspard, j'ai pour vous une mission toute désignée que je ne peux confier à personne d'autre. Voyez-vous j'ai besoin que vous alliez récupérer un outil de nom de Nathanael Fedrilla. Oh il n'est pas très poli et devra être présent durant le bal. Je compte donc sur vous pour lui rendre son éclat afin qu'il ne fasse guère tâche.

Le tout accompagné de son habituel sourire. Depuis le temps, le majordome savait parfaitement lire entre lignes: il devait trouver un assassin  et faire en sorte qu'il puisse passer pour un noble le jour du bal. Si Gaspard avait des questions sur sa présence? Oh oui bien sûr, toute une flopée même, mais jamais il ne les posait.

C'était la règle d'or du parfait valet.

Les réponses finissaient toujours par poindre à un moment ou à un autre.

Il leva les yeux sur la pendule d'appuie en bronze doré d'un style baroque, constatant avec agacement qu'il était déjà sept heures.
Comme pour appuyer ses dires, elle sonna sept coup secs.

- Nom d'un chien mais que fait-il?!

Puis enfin la porte s'ouvrit enfin. Il était là le fameux Nathanaël Fedrilla. Il le scruta de pieds en cape: cheveux aussi crasseux que ce qui lui servait de manteaux, barbe déplorable, air hagard et... Par tous les diables! Etait-il réellement pieds nus?

Il poussa un discret soupir, imperturbable. Ce n'était pas de cours d'étiquette qu'il allait avoir besoin mais d'un miracle. On ne transformait pas un vieux godillot miteux en soulier de velours en si peu de temps.

L'homme en question semblait fasciner par... un vase et ce n'était même le plus beaux du palais.

- Bienvenue au palais, Monsieur Fedrilla. Je suis Gaspard, Majordome sa sérénissime Majesté. Je suis chargé de... Vous rendre apte à mener à bien votre mission.

Il le toisa encore un peu et se leva, lui faisant signe de s'approcher. Et ce qu'il sentit ne lui plu guère. Par tous les diables! Quelle était cette odeur? Même les écuries passaient pour une délicate fragrance à côté de cette indicible puanteur! Il secoua doucement la tête.

-Et bien j'imagine que nous allons commencer par un rudiment d'hygiène. Suivez-moi.

Et il l'entraina à nouveau dans un dédale de coursives jusqu'à arriver dans une pièce dédiée aux bains. Une magnifique baignoire sur pied trônait au centre de la pièce. Gaspard n'y prêta guère attention et donna les ordres nécessaires aux domestiques.

-Déshabillez-vous je vous prie.

Puis au domestique qui se saisissait des vêtements:

-Jetez tout ça au feu.
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Dim 21 Juin - 11:25
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
56
Au service des haricots
Nathanael regardait toujours le vase avec une attention aussi accrue, émerveillé, quand la voix de l'homme attira son attention depuis le fauteuil.

- Bienvenue au palais, Monsieur Fedrilla.

Sur le coup de la surprise, Nathanael releva les yeux et le dévisagea, totalement ahuri. Monsieur ?! C'était la première fois que quelqu'un l'appelait ainsi ! Habituellement, c'était juste : eh toi ! et encore, quand il avait de la chance. Quant à la suite de la phrase... il n'avait pas compris tous les mots - sérénissime, par exemple, il n'avait jamais entendu ce mot - mais il avait saisi le sens général et c'était certainement tout ce qu'on lui demandait pour le moment.

Le dénommé Gaspard lui fit signe de s'approcher. Nathanael délaissa le vase à contre coeur et vint vers lui, bien que prudemment. Quand il fut plus proche, l'homme secoua la tête d'un air désapprobateur. Nathanael mit quelques secondes à comprendre que cela venait de son odeur. Oui, il savait bien qu'il ne sentait pas la rose, conséquence de dormir sur un tas de déchets, mais il n'y pouvait rien. Et lui, il s'était tellement habitué à son odeur qu'il ne la sentait même plus. Qu'est-ce que tout le monde s'imaginait ? C'était cela, de vivre dans la rue. Il n'y pouvait rien...

- Eh bien, j'imagine que nous allons commencer par un rudiment d'hygiène. Suivez-moi.

Nathanael obéit sans protester. Il se laissa guider à travers différents couloirs dont il essayait de ne pas manquer une miette. Il y avait tant de détails ! Comme il s'était laissé distancer par l'allure soutenue du majordome, il le rattrapa en quelques foulées.

- Dis, c'qu'j'p'rrais 'voir un truc à met' dans l'bide 'près ? J'pas mangé d'puis deux jours.

Finalement, ils arrivèrent devant une immense baignoire. Nathanael ouvrit de grands yeux. Il jeta un regard impressionné au majordome qui resta de marbre. Comme s'il voyait cela tous les jours ! Nathanael se rendit compte du ridicule de sa pensée juste après. Evidemment qu'il donnait cette impression... parce qu'il voyait cela tous les jours.

- Déshabillez-vous je vous prie.

Nathanael obéit. Décidément, c'était étrange que d'être vouvoyé. Est-ce que lui aussi, il devait vouvoyer le majordome ? Il se posait cette question, en entrant dans la baignoire remplie d'eau, sans question de pudeur, quand un domestique prit ses vêtements. Le majordome avait baissé la voix pour lui transmettre l'ordre suivant mais Nathanael l'entendit clairement tout de même. Il se redressa aussitôt dans le bain, inquiet :

- Mais p'quoi t'veux l'met' au feu ? J'en ai b'soin, moi ! J'peux pas en rach'ter d'aut' et faut ben qu'j'm'habille !

Certes, ses vêtements étaient en lambeaux mais ils faisaient encore l'affaire ! Il le fallait bien, dans tous les cas, il n'avait certainement pas de quoi en avoir des neufs.

Parfois, il lui arrivait presque de regretter le bordel. Là-bas, au moins, il avait de quoi manger, de quoi dormir et de quoi se vêtir au minimum...
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Lun 22 Juin - 14:40
Le Masque
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228
Maître des Destins

Gaspard



Fidèle majordome de Lioffel, 50 ans.


Gaspard se dirigait vers la salle des bains. Il marchait à grandes enjambés faisant son possible pour semer cette odeur pestilentielle qui n'était autre que l'assassin engagé sa sérénissime Majesté.

- Dis, c'qu'j'p'rrais 'voir un truc à met' dans l'bide 'près ? J'pas mangé d'puis deux jours.

Le majordome stoppa sa course, stupéfait par ces paroles incompréhensibles. Il leva les yeux sur le plafond peint (majestueusement, il fallait le signaler) et reprit sa marche sans un mot. La nourriture attendrait qu'on l'ait décrassé... Il n'était plus à quelques heures près.

Quelques instants plus tard, ils arrivèrent dans la pièce en question. Gaspard fit le nécessaire: bain chaud, retrait des vêtements et immolation de ces derniers. Ce n'était pas comme s'il y avait quoi que ce soit à sauver de ces... Guenilles puantes.


- Mais p'quoi t'veux l'met' au feu ? J'en ai b'soin, moi ! J'peux pas en rach'ter d'aut' et faut ben qu'j'm'habille !


Une nouvelle fois, s'immobilisa, ses paupières se fermant très brièvement.
Par tous les diables, mais comment peut-on parler ainsi?!

Vainquant son dégoût, il appuya sur ses épaules afin de l'immerger à nouveau dans l'eau.

-Monsieur Fredilla... Ces... Pénailles ne pourront pas même finir en chiffons tant elles sont méphitiques, et ce quand bien même les lavandières passeraient leur vie à les astiquer! répondit-il tout en attrapant une serviette dans laquelle il s'essuya méticuleusement les mains avant de la déposer dans un panier

- Mais n'ayez crainte, vous recevrez une toilette adaptée à votre séjour à la Cour. Je ne peux que vous inciter, soit dit-en passant à user et abuser de la Salle des bains.

Il prit alors place sur un rustique petit tabouret de bois tout en faisant signe à deux domestiques de s'atteler à leur tâche oh combien ingrate qu'était le décrassage de sagouin. L'un s'était saisi d'un longue brosse en crins et commençait à lui frotter le dos tandis que le second tentait de démêler le nid de souris faisant office de chevelure.

Imperturbable -mais légèrement désespéré- Gaspard poursuivit:

-Le temps presse est la tâche est homérique. Nous allons donc commencer pendant que l'on vous prodigue les traitements hygiéniques nécessaires à votre bonne intégration.

Il se racla la gorge avant de reprendre

- Bien. Tout d'abord, un gentilhomme se doit de prononcer cha-que- syl-la-be. En â-r-ti-cu-lant. Débutons cet entrainement par un petite exercice de diction.
Répétez après-moi: - Choisissons ces saucisses aux choux et sachons saisir ces anchois séchés -
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Mar 23 Juin - 11:51
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
56
Au service des haricots
L'homme ne lui avait pas répondu à propos de son repas et Nathanael était tellement occupé à regarder autour de lui qu'il en oublia même de reposer sa question, quand bien même son ventre réclamait quelque chose, n'importe quoi, pour être rempli.

L'eau du bain, elle, était agréablement chaude. Encore une chose qui changeait remarquablement avec sa vie de vagabond. Les rares fois où il se lavait, c'était dans une eau froide, qui frigorifiait dès les premières secondes. Nathanael n'avait jamais connu de bains chauds comme celui-ci. Ce qui ne l'empêcha pas de comprendre que l'on voulait brûler ses vêtements. Gaspard appuya sur ses épaules pour le replonger dans l'eau, avec une légère grimace, et le jeune homme obéit sans discuter.

- Monsieur Fredilla... Ces... pénailles ne pourront pas même finir en chiffons tant elles sont méphitiques, et ce quand bien même les lavandières passeraient leur vie à les astiquer !

Nathanael le regarda avec un oeil vide. Il n'avait rien compris, hormis chiffons. Pourquoi lui parlait-il de chiffons ? Il parlait de ses vêtements, lui !

... pénailles ... méphitiques ... lavandières ... astiquer ... toilette ... inciter ... C'était un immense charabia sans queue ni tête.

Gaspard aurait aussi bien pu parler dans une autre langue, cela n'aurait rien changé. Mais au moins, dans ce cas-là, Nathanael aurait eu la maigre la consolation de se dire que c'était tout à fait normal de ne pas comprendre, si c'était dans une langue étrangère. Mais non...

- T'fais'xprès d'dir' d'mots qu'j'comp'ends pas, hein ? m'fétic... c'quoi ? sorte d'méfait ? J'sais pas c'qu'ça veut dir' non p'u mais c'pas un r'pport 'vec l'v'leurs ?

Restait à savoir ce que la salle de bains et des chiffons venaient faire dans cette histoire de voleurs ? Non, il ne comprenait vraiment rien à rien.

Gaspard venait de prendre un petit tabouret pour y prendre place, tandis que deux autres personnes s'approchaient. L'un tenait un outil bizarre, qui servit à lui frotter le dos, et l'autre se pencha sur le problème épineux de ses cheveux emmêlés. En quelques secondes déjà, l'eau avait déjà pris une étrange couleur maronasse - fort peu naturelle.

Nathanael s'amusait à faire plonger ses mains dans l'eau et à les ressortir, en imitant un quelconque animal aquatique, quand la voix de l'homme reprit. Il reposa ses mains sagement, comme pris en faute, en se concentrant de nouveau.

Et de nouveau, il ne comprit rien de plus que durant la première fois.

- L'prodig', ça s'mange, ça ?

Peut-être qu'il allait pouvoir bientôt manger ? Mais il ne semblait pas, puisque Garspard déclara d'un ton neutre la suite. Nathanael ne savait pas ce qu'était un gentilhomme mais il comprit la suite. Il ne parlait pas bien. Il fallait ar-ti-cu-ler. On le lui avait déjà dit, dans la rue, quand quelques rares personnes s'arrêtaient pour lui parler et que Nathanael les inondaient de ses paroles tant écorchées qu'elles en finissaient incompréhensibles...

- Répétez après-moi : - Choisissons ces saucisses aux choux et sachons saisir ces anchois séchés -

Ah ! Là, ça parlait de nourriture ! Cela fit gargouiller son ventre.

- J'p'rrais vr'ment m'ger d'saucis' 'près ?

Alors, il se concentra grandement pour répéter correctement cette phrase, dont il ne comprenait pas bien le sens malgré tout.

- Cho-si-ssons-cé-so-ci-so-chou-é-sa-chon-sé-zir-cé-en-cho-sé-ché.

Il releva les yeux, plein d'espoir vers lui. Cela lui avait demandé un effort de concentration immense, mais il avait réussit ... non ?

- C'qu'j'peux m'ger ?
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Mar 23 Juin - 14:12
Le Masque
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Maître des Destins

Gaspard







Fidèle majordome de Lioffel, 50 ans.


Alors que Gaspard tentait de raisonner le déguenillé d'abandonner aux flammes purificatrices ses  irrécupérables haillons, il fit face à un regard pantois aussi vide que celui des trophées de chasses ornant certains salons et dont il avait une sainte horreur.


- T'fais'xprès d'dir' d'mots qu'j'comp'ends pas, hein ? m'fétic... c'quoi ? sorte d'méfait ? J'sais pas c'qu'ça veut dir' non p'u mais c'pas un r'pport 'vec l'v'leurs ?


Il arqua l'un de ses sourcils, tentant d'établir une traduction approximative du patois fangeux de la basse ville.

- N'allez pas croire qu'il s'agit là de contumélies mon brave. Il s'agit simplement de... Vous offrir de plus beaux atours pour vos services autant que votre mission

Sept jours. Sa Majesté lui avait laissé sept jours pour transformer cet inconvenant crapaud en prince des salons. Autant dire que même une année entière n’aurait pas suffit. A moins qu’il ne lui découvre des talents cachés d’acteur mais il en doutait. Et puis, par tous les diables ! Cette diction était proprement épouvantable !
Pendant ce temps là, on s’affairait à le rendre, un tant soit peu présentable et vue la couche de crasse qui achevait de ruisseler dans l’eau du bain, il faudrait bien plus qu’une baignade pour y parvenir…

- L'prodig', ça s'mange, ça ?

Prodigue ? Manger ? Mais… Ce fut au tour de Gaspard de rester sidéré durant un courant instant. Heureusement pour lui, il était déjà assis sur son petit tabouret.

- Par tous les diables ! J’espère surtout que vous aimez manger les dictionnaires autant que l’étiquette car vous aurez de quoi en faire un plantureux repas !

En tout honnêteté, le majordome doutait fortement de sa capacité à lui faire ingérer un recueil de vocabulaire digne de ce nom en si peu de temps mais s’il parvenait au moins à lui faire cesser ce langage agreste coupé à la hache estanaise, ce serait déjà un bon début. Il lui proposa donc en ce sens un exercice de diction d’une simplicité enfantine. Et pour cause, il était de ceux que l’on apprenait sur les bancs de l’école. Mais lui semblait plutôt être resté sur le ban de l’école.
Sa seule obsession semblait être de se remplir la panse quand celle de Gaspard était de mener à bien une tâche proprement impossible.

- Vous pourrez manger tout ce que vous voudrez, une fois votre exercice achevé et votre corps lavé de ses impuretés.

Constatant de fait, la noirceur douteuse de l’eau, il fit signe aux domestiques de le faire sortir le temps que l’on vide (et lave) la baignoire. On lui tendit un fin drap de coton afin de se sécher en attendant que la cuve de bronze soit de nouveau prête à le recevoir.

Le tueur à gages se prêta bon gré, mal gré à l’exercice, mais Gaspard secoua lentement la tête. Il n’avait décidément rien compris.

- Le but est que la phrase soit intelligible. Par exemple, vous auriez dû dire « Est-ce que je peux manger »

Pour la politesse et le style, on repasserait.

Les bases. Les bases. Les bases.

-   Réessayez en collant suffisamment les syllabes d’un même mot sans les avaler : » Choisissons. Ses. Saucisses. Aux. Choux. »

Que pouvait-il y a avoir de compliqué là-dedans ? Pendant ce temps on récura la baignoire jusqu’à pouvoir de nouveau la remplir d’une eau limpide.
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Jeu 25 Juin - 21:08
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
56
Au service des haricots
Les sourcils arqués, Gaspard le regardait, sûrement en essayant de comprendre ce qu'il venait de dire. Il n'utilisait pourtant pas des mots compliqués, lui ! Il n'avait peut-être pas le langage le plus poétique du pays mais tout de même ! Même un enfant aurait compris les mots qu'il employait, alors pourquoi pas cet homme cultivé ? Ce n'était pas comme lui, qui utilisait des choses comme coutu... machin-truc, ou atours, ou ... que savait-il encore ?

Non, Nathanael ne comprenait pas un broc de ce qu'il disait. C'était bien beau de parler joliment avec plein de mots compliqués qui sonnaient bien. Si personne ne pouvait répondre, pour cause de problème de communication, c'était ridicule. La discussion promettait d'être longue. Très longue. Le langage châtié du bonhomme ne pouvait pas marcher, avec son vocabulaire basique et son accent des rues à couper au couteau...

Pendant ce temps, les deux autres personnes présentes continuaient de le laver avec application. Au moins une chose qu'il saisissait dans ce qu'il se passait. L'eau avait pris une couleur vraiment peu commune. Même assoiffé, Nathanael n'aurait pas bu une telle chose. N'importe qui, à condition d'être sain d'esprit, serait resté aussi éloigné que possible de cette eau nauséabonde, pour ne pas risquer de s'empoisonner.

Et voilà que Gaspard reprenait la parole. Nathanael baissa la tête piteusement. Forcément. Il n'avait encore rien compris du tout. A force, c'était vexant, voire carrément discriminant. Ce n'était tout de même pas sa faute s'il avait grandi dans la rue ! Cet homme aurait au moins pu adapter son discours à ses oreilles. Mais il avait repéré un mot. Un mot plus important que les autres.

Repas.

Et repas voulait dire manger ! Au moins, cela, il avait fait le rapprochement. Finir de dire la petite phrase à propos de saucissons et il pourrait se remplir le ventre. Il demanda néanmoins, puisque sans vocabulaire adapté à son niveau proche de zéro en matière de diction, ils n'arriveraient à rien :

- P'quoi t'pa'le comm' ça ? J'comp'end r'en... T'p'rrais pas dir'd'mots p'u f'ciles ? Pou'qu'j'comp'ne ?

Soudain, on le fit sortir de l'eau. Nathanael ne protesta pas et il ne fut absolument pas gêné de se retrouver nu devant ce public. Au fond, c'était naturel, et cela faisait longtemps qu'il avait abandonné l'idée de pudeur. A compter qu'il en eut une idée un jour... Il les regarda vider la baignoire et prit la petite serviette qu'on lui tendait avec un air curieux. Il la regarda une seconde, surpris, puis s'enroula dedans quand l'un des deux nettoyeurs de baignoire le lui expliqua en quelques gestes.

Finalement, il put revenir dans l'eau, et refaire une tentative concernant cet exercice. Que c'était dur ! Mais il se souvenait de ce repas qui l'attendait s'il réussissait. Et il y était décidé.

- Choi.si.ssons. ses. sau.ci.sses. aux. choux.

Il releva les yeux vers lui, plein d'espoir. C'était encore plus haché que le modèle mais il s'était appliqué à prononcer chaque syllabe, les unes à la suite des autres, pour que les mots se détachent plus audiblement. Plein d'enthousiasme, il reprit :

- C'mieu', nan ? ?

Il s'interrompit brutalement et reprit avec un air interrogateur :

- Fin, j'veux dir' : c'est. mi.eux. non. ?
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Ven 26 Juin - 14:32
Le Masque
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228
Maître des Destins

Gaspard





Fidèle majordome de Lioffel, 50 ans.


- P'quoi t'pa'le comm' ça ? J'comp'end r'en... T'p'rrais pas dir'd'mots p'u f'ciles ? Pou'qu'j'comp'ne ?

Ses sourcils se froncèrent sous l'effet de la réflexion intense. Ses indexs vinrent se placer contre ses temps. alors que son cerveau tentait méthodiquement de rajouter les lettres et autres syllabes manquantes afin de former une phrase intelligible. Cela ne dura guère plus que quelques secondes.

- Je parle ainsi car c'est aussi naturel pour moi que vous d'en faire une brunoise. Mais soit je vais essayer de faire des efforts à conditions que vous en fassiez de même. Signalez-moi les mots que vous ne comprenez pas, cela vous sera toujours utile.

Ils allaient devoir de tout évidence pas un certain temps et un temps certain ensemble. Autant que cela soit le plus productif possible.
Le récurage de l'assassin fut suspendu un instant, le temps de pouvoir récurer la baignoire qui en avait bien besoin. De l'eau propre et chaude fut à nouveau apportée et le petit manège recommença de plus belle.

La brosse moussait dans des va et vient incessant tandis que l'on recouvrait le nid qui lui faisait office de chevelure de  diverses lotions. Gaspard reprit sa leçon de diction en tentant de le motiver par le biais de la nourriture ce qui sembla fonctionnait puisque l'homme fit un effort (qui sembla surhumain) pour prononcer cette moitié de phrase.... Le précepteur du jour esquissa un sourire encourageant qui laissa rapidement place à un roulement des yeux quand il avala sa seconde phrase... Juste avant de se corriger de nouveau.

Peut-être que tout n'était pas perdu finalement et que l'on pourrait, à défaut de le faire passer pour un gentilhomme de longue lignée, le présenter comme un bourgeois récemment anobli.

- Oui c'est un bon début, Monsieur Fedrilla. Continuez ainsi, cela finira peut-être par devenir naturel.

Soyons honnête: il en doutait fortement mais s'il pouvait diminuer drastiquement le nombre de syllabes torturées et jetées aux oubliettes, ce serait un pas de géant. Il posa alors son regard vers le domestique en charge des cheveux, qui secouait désespérément la tête en indiquant la crinière emmêlée entre ses doigts. Ses paupières se fermèrent brièvement avant qu'il ne s'adresse à son élève.

- Hmm, nous rencontrons un léger problème avec vos cheveux. Ils sont trop emmêlées. Nous allons devoir couper. Un peu.

A son tour, il fit l'effort de faire des phrases simples avec des mots qui lui paraissaient simples. Face à lui, le domestique attrapa une paire de ciseau argentée.

- Que souhaitez-vous manger, Monsieur?  Et non, les mots ne se mangent pas. prévint-il avec amusement.

Oui, Gaspard pouvait faire des traits d'humour. Parfois. Rarement.
Enfin, l'odeur nauséabonde commençait à laisser place à quelque chose de bien plus fleuris et agréable.
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Mer 1 Juil - 16:00
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
56
Au service des haricots
Gaspard posa ses index contre ses tempes. Nathanael se demanda ce qu'il avait bien pu encore dire. Pourtant rien de vulgaire ! Il n'eut pas besoin de s'inquiéter longtemps, la réponse arrivait quelques secondes plus tard. Il s'agissait là d'une conversation quelque peu hachée, il fallait le dire. Le temps que chacun comprenne le langage inaccessible de l'autre, leur patience était mise à rude épreuve...

Mais l'homme avait l'air de comprendre enfin la nécéssité d'utiliser des mots plus simples. Nathanael en fut soulagé. Il n'aurait pas à supporter longtemps de ne rien comprendre. Et ainsi, pour la première fois de la conversation, il comprit de quoi il retournait exactement, à sa plus grande fierté. Comme quoi, il n'était pas plus bête qu'un autre !

- L'br'noise ? releva-t-il alors quand Gaspard lui conseillait de lui demander des précisions sur les mots qu'il ne comprenait pas – ce qui ne serait pas une mince affaire.

Dans son dos, la brosse continuait de frotter tandis que Nathanael, de son côté, se pliait avec plus ou moins de difficulté à l'exercice qu'on lui proposait. Bien que ce ne soit pas encore parfait, loin de là, il venait enfin de réussir à obtenir un sourire encourageant de la part de son précepteur.

Il doutait fortement, cela dit, que cela finisse par devenir naturel. Ou alors, certainement pas en quelques jours. Même Gaspard semblait en douter. Nathanael avait baissé les yeux sur l'eau, plus claire que celle de la première bassine. Au bout de quelques instants, l'homme reprit, attirant son attention sur lui une nouvelle fois. Un problème avec ses cheveux ? Ah ? Nathanael haussa des épaules.

Ses cheveux n'étaient certainement pas sa principale préoccupation. Loin de là. Pour ainsi dire, ils pouvaient bien tout raser, cela ne changerait rien pour lui. Quoique... non. Pas tout raser. Cela lui permettait au moins d'avoir chaud au crâne, tous ces noeuds. Il y avait plus élégant mais on faisait avec ce qu'on avait. Mais de toute manière, Gaspard ne semblait pas demander d'autorisation. Il le prévenait, simplement, alors Nathanael ne répondit rien. C'était inutile.

La remarque suivante, cependant, l'intéressait bien plus et il en oublia de regarder l'individu occupé à ses cheveux attraper une paire de ciseaux. Que voulait-il manger ? Ses yeux se mirent à briller et, impatient qu'il était, il allait répondre quand il dut ravaler son enthousiasme :

- Et non, les mots ne se mangent pas.

Nathanael mit quelques secondes à comprendre ce que Gaspard voulait dire par là. Il le prenait vraiment pour un imbécile ? Bien sûr qu'il savait qu'on ne pouvait pas manger les mots ! Son esprit tournait à plein régime et... il comprit. Ne pas manger ses mots. Ar.ti.cu.ler. C'était de cela dont il parlait.

- Je. peux. de.man.der. ce. que. je. veux. mon.sieur. Gé.ra.rd ?

Son ton était quelque peu monocorde, de cette manière. Trop concentré qu'il était à prononcer toutes les syllabes, il n'y mettait pas la moindre émotion. Mais déjà, il réalisait l'exercice ! Il en avait même inversé les prénoms sans en prendre conscience. Il s'imaginait déjà tout ce qi'il pourrait manger. Il devait y avoir tellement de choses ! Comment allait-il pouvoir choisir ? Il réfléchit quelques secondes puis demanda, toujours en s'appliquant beaucoup pour prononcer chaque lettre de chaque mot :

- Est.ce.que. vous. a.vez. un.e. po.mm.e. ? Je. vou.drais. bi.en. un.e. po.mm.e.
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Ven 3 Juil - 12:58
Le Masque
Le Masque
228
Maître des Destins

Gaspard



Fidèle majordome de Lioffel, 50 ans.


Gaspard devait faire passer sa mission avant son amour des mots et des bonnes manières. C'était ainsi qu'il servirait le mieux son souverain et c'était bien l'objet de sa présence ici. Il décida donc de faire l'effort de se mettre au niveau de ce traine-fange. Et c'était peu dire qu'il ne dépassait pas la semelle de ses souliers impeccablement vernis.

Le devoir avant tout.

Il sentit d'ailleurs que son interlocuteur relâchait quelque peu sa défense. Parfait. Un animal apeuré apprenait toujours moins bien. Tout le monde savait cela.

- L'br'noise ?
La brunoise? Même ça il ignorait de quoi il s'agissait?

- La brUnoise, Monsieur Fedrilla, consiste à tailler très finement, sous forme de petits cubes les fruits ou légumes.

Passer la définition du terme culinaire, il resta un moment silencieux, surveillant l'avancée des travaux de métamorphose exigés par sa mission. Le pauvre coiffeur s'acharnait tant est si bien sur ce nid de souris, qu'il n'y eut guère d'autre solution que de couper. Gaspard lui donna carte blanche d'un discret signe de la tête. Si sa jungle capillaire ne s'avérait pas être un biotope grouillant d'une faune sauvage, ils pourraient déjà tous, s'estimer heureux. Il frissonna à l'idée de ces petits insectes sautant de cheveux en cheveux...
Sur son corps, les lotions se suivaient et ne se ressemblaient pas. Comme promis, il lui demanda ce qu'il désirait manger. Il pouvait voir ses yeux briller d'avidité et de gloutonnerie à la simple évocation de ce verbe parfaitement commun et anodin.

- GASPARD. Mon nom est Gaspard,  Monsieur Fedrilla. Vous êtes au Palais Royal, mon brave, si vous voulez manger de l'antilope braisé aux figues ou encore à la grenade, cela est parfaitement possible. répondit-il avec fierté.

Fierté qui vola rapidement en éclat, lorsque le dit individu réclama... Une pomme. Une simple pomme. Il demandait une pomme quand il avait accès aux meilleurs assiettes d'Istanyla. Comment était-ce possible? Que diable se passait-il sous cette petite tête désormais allégée d'une bonne partie de sa toison? Il avait certainement dû omettre une partie des informations nécessaires à sa commande.

- Une pomme? Si tel est votre désir je vous ferai porter une pomme. Verte, jaune ou rouge? Cuite au four avec de la cannelle peut-être? Ou peut-être préférez-vous de la vanille? A moins que vous ne souhaitiez qu'elle vous soit présentée cru en rosace?

Il y avait tant de façon de déguster une pomme après tout. Mais l'esprit de Gaspard ne pouvait simplement pas envisager la possibilité que l'on souhaite croquer simplement dedans. On frappa à la porte et une troisième personne fit son entrée, une lame à la main.


Ah le barbier! Enfin! Que faisait-il nom d'un diable en chaussettes!?


Le majordome indiqua la pendule d'un air réprobateur avant de l'inviter à entrer.

La ponctualité et l'ordre.
Les qualités indispensables d'un bon domestique.
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Jeu 9 Juil - 11:12
Nathanael Fedrilla
Nathanael Fedrilla
56
Au service des haricots
Nathanael écouta avec grande attention les précisions que lui donna Gaspard. Une brunoise, c'était donc quelque chose qui se mangeait. Mais alors qu'est-ce que cela venait faire dans la conversation ? Ils étaient pourtant en train de parler de mots, juste avant ? Non, décidément, il y avait quelque chose qu'il n'avait pas suivi. Cela ne l'empêcha pas de répéter le mot avec grande application, en tâchant de ne pas l'écorcher - et par conséquent, en articulant certainement trop - mais il faisait des efforts non négligeables :

- La. bru.noi.se. J'bon ? J'b'en dit comm' fallait ?

Et il n'en était pas peu fier, il fallait se le dire.

Et pendant ce temps, les individus continuaient de s'affairer autour de lui. Il ne savait pas ce qu'on était en train de lui mettre sur le corps, mais c'était doux au nez comme à la peau et il ne put s'empêcher de sentir l'intérieur de sa main qui ne sentait non plus le purrin mais ... quelque chose d'autre. Il vérifia sur l'autre. La même chose. C'était tout de même étrange.

Il sentait tout juste la lourde paire de ciseaux argentée tranchait touffe après touffe ses cheveux. De temps en temps, on y mettait quelques coups de peigne. Mais, désormais, son attention se portait sur ce qu'il allait pouvoir manger. Une pomme lui faisait très envie. Peut-être même que... Oh, il espérait beaucoup ! Pourrait-il prétendre à en avoir... deux ? Quel festin ce serait alors pour son ventre criant famine ! Deux pommes d'un coup !

Il en oublia même d'écouter Gaspard qui le corrigeait sur son nom. Gérard, Gaspard... C'était quand même ressemblant, après tout. Les yeux de Nathanael pétillaient de joie. Il n'avait aucune idée de ce qu'était de l'antilope braisée aux figues mais s'il pouvait avoir tout ce qu'il voulait alors il prit son courage à deux mains pour demander, bouillonnant d'espoir :

- 'lors c'vrai qu'j'p'rrais mêm' d'mander deux pomm' si j'v'lais ?

Il était tellement heureux, tellement émerveillé, que ses exercices d'articulation étaient partis à la trappe sans plus de cérémonie. En tout cas, Gaspard semblait accepter de lui servir une pomme. Nathanael n'attendait plus que ce moment avec impatience. Mais toutes les questions qui suivirent le laissèrent pantois. Avait-on bien compris sa demande ? Peut-être qu'il n'avait pas assez articulé ? Alors il se plia à l'exercice pour faire entendre ses volontés plus clairement.

- Je. vou.drais. un.e. po.mm.e.

Mais Gaspard continuait sur sa lancée et Nathanael continuait de le regarder les yeux écarquillés. Il ne put s'empêcher d'ajouter pour lui expliquer ce qu'il lui demandait. Peut-être qu'à force de manger des choses bizarres aux noms compliqués, on en oubliait la base ?

- T'sais, l'fruit sur l'marché ? Qu'est rond, et mêm' qu'y'a d'pépins quand on mord d'dans ? Vot' palais y'en a pas dans ? Y'a d'la brioche au moins ?

Parce qu'il n'y avait pas de brioche, alors vraiment, il préférait habiter dans la rue, sans une hésitation. Soudain, on frappa à la porte et une énième personne entra. Quelqu'un qui tenait une lame dans la main. Nathanael plissa les yeux, plein de suspicion :

- Y m'veux quoi, 'vec son truc là ?
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
Mar 4 Aoû - 20:49
Le Masque
Le Masque
228
Maître des Destins

Gaspard



Fidèle majordome de Lioffel, 50 ans.



L’assassin répéta le nouveau mot qu’il venait tout juste d’apprendre, en faisait l’effort de bien articuler. Enfin… Simplement sur ce mot, le reste de la phrase passa au hachoir immédiatement.
Gaspard acquiesça silencieusement afin de valider sa prononciation.
Une chose était certaine : il était plus aisé de le rendre présentable que lui inculquer une diction un temps soit peu correcte. Les domestiques, toutes à leur tâche s’affairer sur l’homme qui avait enfin quitté ces ignobles effluves de bouges fangeux.
L’homme lui-même ne semblait pas en revenir car il se sentait chacun de ses bras, l’un après à l’autre avec un étonnement certain. Le majordome eut un petit sourire de fierté face au miracle qu’il était en train d’accomplir. Il lui proposa même de remplir cet estomac dont il semblait tant se soucier.
Les cuisines du palais regorgeaient de douceurs et de mets si variés qu’il ne douta pas un seul à l’instant lui faire plaisir en lui offrant l’accès à ce petit paradis terrestre. Pourtant à sa grande surprise, il ne demanda qu’un pomme.

Une simple

PO.
      M.
             ME

Sans même qu’elle ne soit cuisinée, ni préparée d’une quelconque façon. Non, juste une pomme. Mais pourquoi ?
Pourquoi ?
Pour-quoi ?

La raison échappait totalement à l’homme rodé aux exigences et autres caprices culinaires royaux. Et à en juger par sa réaction, son élève non plus ne voyait pas où était le problème.

Nouveau problème de communication.

- Je sais ce qu’est une pomme Monsieur Fredilla, je vous remercie. lacha-t-il un peu sèchement. Il est  bien évident que c’est là le minimum dont nous disposons au sein de nos garde-mangers. De même que la brioche

A peine eut-il achevé sa phrase qu’il donna les directives adéquates à un domestique si sagement immobile qu’on l’aurait oublié. Dans la foulée le barbier -en retard- entra.

- N’ayez crainte, il ne s’agit nullement de malandrin… Je veux dire d’un assassin ou d’un tueur. Ce n’est là que le barbier venu et bien… Pour vous raser de près. comme pour expliciter ses dires, il passa sa main à l’emplacement fictif de sa barbe
- Vous comprenez fort bien qu’il n’est point possible de vous présenter ainsi à la Cour avec ce… Hérisson échevelé que vous arborer.

Gaspard fit une pause, pensif. Connaissait-il seulement ce qu’était qu’un hérisson ? Il n’avait peut-être jamais connu la campagne après-tout.

Nous devons raser votre barbe pour le bien de votre mission. traduisit-il dans la foulée.

Le barbier s’approcha et prépara ses instruments, sous le regard suspicieux du pied-fangeux.
Du savon sera appliqué et réparti grâce au blaireau, ensuite le barbier prendra sa lame afin de couper cette vilaine barbe. expliqua-t-il dans l’espoir de le rassurer.

Je vous assure que nous ne nous serions pas donné tant de mal pour vous faire assassiner maintenant...Alors détendez-vous et profitez du moment.

C’était vrai après tout… Pourquoi se fatiguer à le décrasser pour le faire égorger par le barbier ? Cela n’avait aucun sens, vraiment. Et surtout Gaspard avait autre chose à faire que d’assister à ce genre de scène sanglante qui le dégoutait au plus haut point.
Re: 7 jours avant le bal - Apprendre à manger ou être mangé
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