Sa cavalière était ravissante, une chevelure aussi dorée que le palais lui-même, deux prunelles d'émeraude, une taille fine sur laquelle il avait délicatement posé sa main.
Les violons jouaient une valse. La danse préférée de Jan. Lente, hypnotisante, répétitive.

Alors qu'il tournoyait au rythme des trois temps, il aperçut la jeune femme rougir. Qu'avait-il bien pu faire? Etait-ce cette proximité? Sa main était pourtant placé dans le milieu de son dos et non sur les hanches comme certains malotrus qui osait en profiter.

- J'espère que vous appréciez ce bal.

Apprécier n'était pas le mot exact. Jan était là par devoir. On ne refusait pas sa présence au Roi sans motif valable. Cette seule absence suffisait à vous rendre suspect et à voir débarquer chez vous une troupe de Gardes Noirs.
Le regard triste, il esquissa un sourire de pure politesse, qu'il espérait rassurant.

- Ce n'est pas réellement la meilleure soirée de ma vie pour être honnête avec vous.

D'autres danseurs valsaient autour d'eux dans un ballet savamment orchestré, sans jamais se rencontrer. Jan se rendit compte que ses paroles avaient peut-être pu blesser la jeune femme.

- Mais n'ayez crainte, vous n'y êtes pour rien et j'ai toujours espoir qu'elle s'avère meilleure. Qu'en est-il de vous, Ma Dame? Etes-vous familière de ce genre de réception?

Le baron faisait tout son possible pour paraitre de bonne compagnie. Après tout c'était ce que l'on exigeait dans ce genre de soirée n'est-ce pas? Il avait été élevé pour cela. Mais le cœur n'y était pas. Il était ici dans le repère du fauve. Ses entrailles se serrèrent.

@Ivid Dunto

- Ce n'est pas réellement la meilleure soirée de ma vie pour être honnête avec vous.

Ivid baissa les yeux. Elle savait que certains nobles n'arrivaient pas apprécier ce genre d'événement. En effet, les bals royales demandaient énormément d'argents alors que ceux-ci pouvaient servir à améliorer la vie du peuple. Tant de richesses envolés pour rien. Elle comprenait leur pensée.
Mais, elle pensait qu'il faudrait peut-être mieux se reconnaître chanceux de ne pas être né dans les bas fonds de la capitale. Il fallait donc profiter au maximum de cet chance, c'était son idée.

Son cavalier avait dû remarqué sa petite déception car il lui ajouta :

- Mais n'ayez crainte, vous n'y êtes pour rien et j'ai toujours espoir qu'elle s'avère meilleure. Qu'en est-il de vous, Ma Dame? Etes-vous familière de ce genre de réception ?

La jeune femme fut rassurée, il n'était pas dégouté de son admiration à ces festivités. Puis, elle répondit :

- Effectivement, j'assiste souvent à ce genre de festivités et j'aime y être présente... contrairement à vous.

Ce fut difficile de lui avouer sa passion pour les bals, cette discussion devenait gênante. Elle sentit depuis leur valse que son cavalier n'était pas du tout dans son univers. Elle voyait comme une sorte de légère peur, mais Ivid ne put savoir de quoi venait-elle.

Un petit silence se prolongea, laissant la musique les emportés dans leur danse. Puis, une idée lui parvient en tête :

- Que direz-vous de passer ce bal à mes côtés ?  

Elle enchaîna avec un sourire :

- J'essayerai de la rendre meilleure à vos yeux.

Sa cavalière semblait être gênée par sa confession et il s'en voulut de lui avoir involontairement  communiquer sa morosité latente. Profiter de la soirée s'avérait décidément extrêmement compliquée...

- Effectivement, j'assiste souvent à ce genre de festivités et j'aime y être présente... contrairement à vous.

Jan haussa légèrement les sourcils, esquissant un sourire, vague rayon de soleil sur son visage voilé de tristesse.

- Je me suis mal exprimé. Ce n'est pas réellement les soirées mondaines que je n'apprécie guère. C'est plus... le lieu.

Ce dernier mot eut bien du mal à quitter ses lèvres. Une goutte d'acide qui rongeait sa chair. Etre dans ce palais clinquant lui donnait littéralement l'impression de baigner dans un baquet de bile.

Ils se laissèrent porter par la musique au grès de leur pas. L'esprit de Jan bercé par les violons et le rythme cyclique de la mélopée s'échappait peu à peu de son enveloppe corporelle.

- Que diriez-vous de passer ce bal à mes côtés ?  

Le baron reporta son attention sur sa douce cavalière aux yeux de jade. Sa femme avait toujours porté un bracelet serti de ces petites vertes.

- J'essayerai de la rendre meilleure à vos yeux.

Comme un reflet, le visage de Jan esquissa également un discret sourire.

-Si vous n'avez pas peur de vous ennuyer ou de perdre votre temps en ma compagnie, j'en serai très honoré. Je ne voudrais surtout pas gâcher votre soirée.

Il ne s'était pas réellement attendu à une telle demande de la part d'une de ses cavalières. Quelqu'en soit la raison, il était à la fois heureux et attristé de ne pouvoir lui offrir ce qu'elle désirait. Jan ne savait que trop bien comment cette nuit s'achèverait.

- Puisque nous allons passés de longues heures ensemble, laissez-moi me présenter comme il se doit. Jan Hasenclever, Baron de Hafdyrr, pour vous servir, Ma Dame. J'espère être à la hauteur de l'honneur que vous me faites ce soir.

Là, sous les immenses lustres de cristal qui illuminaient de mille feux la salle de bal, il se promit de profiter autant que possible de cette ultime nuit de luxe et de voluptés.

A nouveau, le silence s'installa entre les deux danseurs pendant un temps.

- N'avez-vous point trouver de galant homme pour vous accompagner ce soir? demanda-t-il, curieux de savoir comment une si belle femme pouvait se trouver à venir dans ce palais plein de carnassiers se pourléchant leur grasses babines et dont le plus gros de tous n'était autre que Lioffel XX en personne.

Dans un premier temps, Ivid ne comprit pas ce qu'il cherchait à dire, lorsqu'il précisa que c'était en réalité l'environnement qu'il ne réussissait à apprécier. Peut-être avait-il gardé un très mauvais souvenir de ce lieu. Lequel ? Elle ne chercha plus loin.
Il répondit :

-Si vous n'avez pas peur de vous ennuyer ou de perdre votre temps en ma compagnie, j'en serai très honoré. Je ne voudrais surtout pas gâcher votre soirée.

Ivid souriait déjà à l'idée de profiter des festivités aux côtés de son cavalier. Elle ne voulait pas laisser un si charmant homme tout seule et déprimant dans son coin. Elle se promit de lui faire dévoiler son plus beau sourire.
Elle ajouta son un ton toujours aussi enjoué :

- Je suis heureuse que vous ayez accepté.

Il enchaîna :

- Puisque nous allons passés de longues heures ensemble, laissez-moi me présenter comme il se doit. Jan Hasenclever, Baron de Hafdyrr, pour vous servir, Ma Dame. J'espère être à la hauteur de l'honneur que vous me faites ce soir.

Elle fut tellement enseveli par la douce et si belle musique joué par l'orchestre royale et menant leur valse qu'elle en avait presque oublié de se présenter. Elle formula son nom à son tour :

- Je me nomme Ivid Dunto, Comtesse héritière du Comte de Dunto. Vous savez, le simple fait de de converser avec vous me réjouis de votre présence avec moi.

Un nouveau silence apparut, la jeune femme fixa les yeux de du Baron. Depuis, leur rencontre elle cherchait parmi ses proches, qui pouvait bien avoir cette même couleur brune à ces yeux. Elle était sûr de les avoir déjà vu. Soudain, elle se souvenu.

Ses yeux, ce sont les mêmes que ceux de...

Elle éjecta rapidement de sa tête, cette pensée.

Il fallait mieux l'oublier.

Leur conversation reprit car, par curiosité, Jan lui demanda :

- N'avez-vous point trouver de galant homme pour vous accompagner ce soir ?

A cet instant, elle jeta un coup d'oeil autour d'eux, elle remarqua le regard noir de certains montrant une jalousie envers son cavalier.
Ses yeux se retournèrent vers le Baron et elle lui répondit d'un air un peu triste :

- Malheureusement, mon frère n'a pas pu donner sa présence au bal, il travaille énormément pour notre domaine. Et quant à mes parents, mon père est actuellement malade et ma mère a souhaité rester avec lui afin de le soutenir.

Voyant qu'elle avait mis l'ambiance au plus bas, c'était loin d'être son but, elle continua mais avec un sourire :

- C'est pour cela que je suis enchantée d'avoir fait votre rencontre.

La Comtesse de Dunto. Jan situa rapidement le Comté et ce qu'il en savait. Sa partenaire était veuve. Comme lui. Mais pour des raisons différentes. A vrai dire, il ne savait pas réellement de quoi était décédé le Comte. L'affaire avait été pour le moins mystérieuse. Cette pauvre femme n'avait vraiment pas eu de chance. Il ne pouvait s'empêcher de se reconnaitre quelque peu dans son histoire.

- Tout le plaisir est pour moi Madame la Comtesse. énonça-t-il sans la quitter du regard.


Pour la première fois, il en eut presque un vrai sourire. Peut-être qu'elle parviendrait réellement à lui faire oublier les sombres souvenirs qui habitaient ces murs maudits?
Au travers de ses prunelles de jade, il vit qu'elle semblait elle-même y chercher quelque chose. Quoi donc? Quelles stigmates pouvait-elle bien cacher sous cette apparence douceur?

La musique les entrainait dans un tourbillon de lumière et de couleurs. Poussé par la curiosité de cette rencontre inattendue, Jan osa lui demanda pour quelles raisons elle était venu seule. Il en frissonnait presque à l'idée d'imaginer une jeune femme aussi délicate se laisser happer par les plantes carnivores qui n'attendaient qu'un peu de chair fraiche pour agrémenter leur souper.

- Je suis navré, cela n'a pas dû être facile pour vous de venir jusqu'ici. Soyez sans crainte, je resterai à vos côtés jusqu'à ce que vous décidiez de m'offrir congé, Madame la Comtesse. Considérez que je suis à votre service pour la soirée.

Lui-même était ravi de ne plus avoir à errer comme une âme en pénitence jusqu'à l'heure fatidique. S'il pouvait sauver par la même occasion une âme innocente des griffes de l'un de ces démons alors il pourrait peut-être se racheter une conscience.

La morceau arrivait déjà à son terme. A regret, Jan porta la délicate main de sa cavalière à ses lèvres.

- Je vous remercie pour cette première danse, Madame la Comtesse. Laissez-moi vous offrir de quoi vous restaurer et vous rafraichir.

Le baron lui proposa son bras . Ils quittèrent la piste de danse, retournant non loin de leur point de départ où il arrêta poliment un serveur afin d'offrir la boisson de son choix à Ivid.