Dix personnes.

C'était dix de trop. Même si elle semblait penser qu'aucune d'entre elles n'étaient réellement dangereuses, Tadriel savait que c'était faux. Elle n'avait donc aucune idée du nombre d'espions qui épiaient. Ici, même les lèches-bottes étaient des imposteurs. L'hypocrisie régnait en maître.

Il soupira.

Ce Nathanael de Fedrilla, qui mangeait beaucoup, qu'elle trouvait différent... Pas besoin d'être devin pour comprendre qui il était en vérité. Bon sang, mais elle s'était vraiment enlisée jusqu'au cou dans les problèmes ! Et cela en même pas une heure ! Il fallait agir, et vite. Sinon, elle ne verrait jamais un nouveau matin.

Il ne s'agissait plus de vouloir préserver son identité, désormais. Il l'attrapa par le bras et sans lui demander son avis l'entraîna derrière lui vers les salons. Sur son passage, les gens s'écartèrent avec respect. Personne ne posa de question. Après tout, le Prince faisait bien ce qu'il voulait... Au moins un avantage à sa position, ce soir.

Il entra dans un des salons, poussa Edra - mais sans violence cependant - ferma la porte et tourna la clef dans la serrure pour que personne ne puisse les déranger pendant leur conversation. Tout au plus, on croira que le Prince avait fait sa première conquête féminine de la soirée. Mais qu'importe les racontars de bonnes femmes.

Il resta la main sur la poignée une seconde puis se retourna.

- Bien. Nous voilà à l'abri des oreilles indiscrètes. Notre conversation commençait à devenir trop sensible...

Il se rapprocha, désigna l'un des fauteuils à Edra et déclara :

- Je me présente : Prince Tadriel de Lioffel. Je crois que vous vouliez me parler.

Il lui fit signe de rester assise :

- Non, non, vous avez promis de vous comporter avec moi comme sur le balcon. J'y tiens.

Il se tut, puis reprit :

- Mademoiselle Edra de Lettald, ou quelque soit votre nom d'ailleurs, j'ai bien peur que vous ne soyiez en danger direct de mort... Ce Nathanael de Fedrilla n'est pas un noble, mais je crois que vous l'aviez compris, n'est-ce pas ?

Après sa promesse, Sanwine fut tirée par Tad qui l'emmena ver un lieu plus "sûr", du moins loin des regards de personnes trop curieuses. Sur leur chemin, des invités intrigués ou bien surpris s'écartèrent afin de les laisser passer. Il était donc si connu pour que les autres nobles le remarquait facilement et le regardait avec un grand respect... Sanwine finissait par être vraiment impressionnée de son statue au sein de la bourgeoisie. Elle songeait qu'il était en réalité un proche ou même un des membres de la famille royale.

Le jeune homme, ouvrit la porte d'un salon, la poussa à entrer et ferma à clé derrière lui. Il se retourna vers elle et lui dit :

- Bien. Nous voilà à l'abri des oreilles indiscrètes. Notre conversation commençait à devenir trop sensible...

En effet, ils étaient beaucoup mieux ici que sur le balcon où ils étaient collés ensemeble comme des sardines à essayer d'être le plus discret possible. Tad demanda indirectement à Sanwine de s'asseoir sur un fauteuil  qui lui était présenté, elle exécuta puis il se présenta (de nouveau) :

- Je me présente : Prince Tadriel de Lioffel. Je crois que vous vouliez me parler.

Le prince !? Sanwine ne perdit pas une seconde de plus à vouloir lui faire une révérence mais il l'arrêta avant de l'effectuer :

- Non, non, vous avez promis de vous comporter avec moi comme sur le balcon. J'y tiens.

La jeune femme rougissait de gêne. Elle avait affaire au pince lui-même depuis le début ! Pourtant, tous ses propos ou actions qui avait fait pointaient tous sur cette idée. Elle se sentit stupide et bien trop naive. Mais, elle pensait également qu'elle avait une chance inouï d'être tombée sur lui et surtout qu'il ne soit pas légal de son père. Elle regrettait sa décision de poser cette tel question, elle aurait dû beaucoup plus se méfier du milieu bourgeois liofellois et surtout des intentions du roi. Elle s'en voulait tellement ! Elle n'était bonne à rien... C'est pour cela qu'il ne fallait pas laisser cette occasion lui glisser entre les doigts. Avec "Tad" elle se sentait en sécurité face à tous ces dangers...

Un silence se poursuivait puis le prince reprit :

- Mademoiselle Edra de Lettald, ou quelque soit votre nom d'ailleurs, j'ai bien peur que vous ne soyiez en danger direct de mort... Ce Nathanael de Fedrilla n'est pas un noble, mais je crois que vous l'aviez compris, n'est-ce pas ?

Elle mesurait le niveau de dangerosité qui la guettait et le pire c'était, elle-même qui l'avait provoqué ! Toujours dans la gêne, elle répondit :

- Bien sûr, Votre Majes... Enfin Monsieur Tadriel de Lioffel.

Elle voulait tellement le remercier pour la garder à ses côtés et surtout la protéger. Alors elle lui dit simplement :

- Merci. Je suis désolée de vous faire part de mes mésaventures.

La jeune femme ne tarda pas à s'asseoir lorsqu'il le lui demanda. Il prit place en face d'elle. Il ne savait pas à quoi allait mener cette conversation exactement mais il se doutait que, même s'il était encore tôt dans la soirée, elle allait influencer tout le reste du bal.

- Je vous en prie, Edra, oubliez les Monsieur Tadriel de Lioffel. Si notre conversation tourne comme je le pense, alors ils seront inutiles. Nous n'avons pas de temps à perdre en futilité dans ce genre-là, croyez-moi. Nous ne pourrons pas rester éternellement dans ce salon.

Il fit une pause, retira son masque parce qu'il estimait que dans ce salon, le garder était parfaitement ridicule et enchaîna :

- Si vous voulez mon avis, je suis sûr que vous êtes déjà suivie et surveillée. Et que, par conséquent, vous ne pouvez pas disparaître longtemps. Quant à vos problèmes, vous n'avez pas besoin de vous en excuser...

Même s'il l'on pouvait remettre en doute la prudence dont elle avait fait preuve jusqu'à présent. Encore heureux qu'elle l'ait rencontré si tôt, sinon elle serait certainement encore en train d'aggraver son cas, déjà bien entamé. Au moins semblait-elle comprendre dans quel nid de guêpes elle avait mis le nez.

Il n'était même pas sûr de pouvoir l'aider.

Mais déjà, il devait savoir qui elle était en vérité - et ce qu'elle venait faire dans le coin exactement.

- Vous m'avez demandé à vous emmener voir le Prince. Je suppose que ce n'était pas pour discuter autour d'une bonne tasse de thé. Maintenant que je suis face à vous, allez droit au but.

Elle écoutait le prince, en baissant le yeux. Elle avait tellement honte de s'avoir mis sans le savoir et pourtant dans un sens de sa propre volonté dans le centre de l'attention des malfaiteurs. Elle se sentait de plus en plus idiote mais le temps n'était pas pour se plaindre ou s'excuser, Tadriel avait raison. Et ni pour les coutumes de la noblesse d'ailleurs...
Pendant sa prise de parole, il quitta son masque puis lui dit clairement :

- Vous m'avez demandé à vous emmener voir le Prince. Je suppose que ce n'était pas pour discuter autour d'une bonne tasse de thé. Maintenant que je suis face à vous, allez droit au but.

C'était le moment tant attendu par Sanwine de révéler son identité et son but pour être venu ici. Mais, elle s'attendait au début de le faire dans un contexte et une ambiance différents... Elle pouvait lui faire confiance. La jeune femme quitta aussi son masque qui gardait un minimum son anonymat et se présenta par son vrai nom :

- Tadriel, je suis Sanwine de Birla, héritière de l'Empire birlais. J'imagine qu'il n'est pas nécessaire d'expliquer la guerre qui se déroule en ce moment même entre nos deux royaumes...

A ces mots, elle repensa aux fronts qui l'avaient traumatiser. Tous ces cadavres qui étaient éparpiller de tous les côtés, ces bruits infernales des épées qui s'entrechoqués...
Elle reprit ses esprits en se rappelant pourquoi elle avait fait ce long voyage pour arriver ici : Mettre fin à cette bataille. Elle continua :

- Je suis venue à ce bal dans le seul but de trouver une alliance afin de stopper cette fameuse guerre.

La jeune femme déposa son masque à côté du sien. Pour ainsi dire, c'était le signe qu'elle laissait tomber sa fausse identité et qu'elle allait lui révéler ce qu'elle faisait là - et pourquoi elle demandait à tout et n'importe qui leur opinion sur le roi.

Et il ne fut pas déçu. Loin de là.

Alors cette jeune femme n'était autre que... Sanwine de Birla. La princesse héritière de l'Empire. S'il s'était attendu à cela ! Il ne répondit tout d'abord rien, le temps d'avaler la nouvelle. Il devait réfléchir, et vite, à la meilleure manière de procéder.

- Inutile, en effet, confirma-t-elle quand elle évoqua la guerre qui faisait rage. Ainsi donc avez-vous fait tout ce chemin pour faire la paix avec nous ?

Il hocha la tête pensivement et se redressa. Il fit quelques pas dans la pièce. Réfléchis, Tad, réfléchis bien. Il tenait là la chance inestimable de faire la paix avec l'Empire Birlais - il ne pouvait pas la laisser filer, ni mourir - mais il avait l'étrange certitude que son père n'avait justement pas l'intention de conclure une alliance. Et lui, il n'était jamais que le Prince. Sans pouvoir exécutif, et cela tant que son père serait en vie... Il resta de dos pour lui dire :

- Je crains ne pas pouvoir faire grand chose. Je ne suis que le Prince. Je ne peux pas prendre les décisions à la place de mon père mais je sais une chose cependant...

Une chose fort peu agréable à dire, il fallait bien l'avouer. Mais elle venait d'être honnête avec lui, il se devait d'en faire de même.

- Mon père n'a nullement l'intention de faire la paix, mademoiselle... Et s'il apprend que vous êtes ici, alors je ne pourrais sans doute plus rien faire pour vous aider. Je ne sais pas quelles sont ses intentions mais laissez-moi vous dire qu'elles n'ont strictement rien de bien, je le crains fort.

Et elles le seraient encore moins s'il savait qui il avait attiré dans son piège géant.

- Que comptiez-vous mettre dans la balance pour faire les négociations ? s'enquit-il malgré tout, parce qu'elle devait bien avoir réfléchi aux termes de cette alliance, non ?

- Inutile, en effet. Ainsi donc avez-vous fait tout ce chemin pour faire la paix avec nous ?

Elle voulait lui répondre qu'elle aurait fait des centaines de kilomètres pour venir ici, tous ces sacrifices pour une "stupide" guerre méritait largement un long et dure voyage de sa part pour les sauver. C'était sa motivation qui la faisait rester déterminée malgré les obstacles qui apparaissaient sur son chemin. Son voyage était certes épuisante et dangereux mais ce n'était rien par rapport aux fronts. Elle lui répondit avec un rapide sourire :

- C'est ce que j'ai fait.

Puis elle vit le prince Tadriel marcher dans le salon, pensif. Il ajouta enfin :

- Je crains ne pas pouvoir faire grand chose. Je ne suis que le Prince. Je ne peux pas prendre les décisions à la place de mon père mais je sais une chose cependant...

Tout le monde pensait que l'héritier d'un royaume avait tous les pouvoir. Mais quand nous cherchions plus sur lui, au final il est "faible" et est au même niveau que ces autres nobles. Et parfois, quand ils le découvraient, ils étaient en une grande partie déçus de cette situation. Sanwine le ressentait également, toutes les décisions revenaient à son père. Elle avait l'impression de jouer le rôle de la princesse qui devait garder le sourire pour donner le bon côté de la famille Impériale. Mais ce sourire cachait tant de choses beaucoup plus sombres...
Son interlocuteur enchaîna :

- Mon père n'a nullement l'intention de faire la paix, mademoiselle... Et s'il apprend que vous êtes ici, alors je ne pourrais sans doute plus rien faire pour vous aider. Je ne sais pas quelles sont ses intentions mais laissez-moi vous dire qu'elles n'ont strictement rien de bien, je le crains fort.

Si la jeune femme avait rencontrer directement le roi, celui-ci ne lui aurait point donner la bienvenu. Elle ne pouvait se rendre à quel point, elle avait eu la chance de tomber sur son fils avant lui. Puis le prince lui demanda :

- Que comptiez-vous mettre dans la balance pour faire les négociations ?

En effet, elle avait déjà pensé à cette idée. Dans un premier temps, elle avait songé à une cession d'un territoire stratégique militairement ou bien un endroit pouvant servir de champs grâce à sa fertilité.
Elle avait aussi réfléchi à un simple mariage royale qui unirait les deux royaumes...(Tadriel était peut-être beau garçon) Elle voulait comme la plupart épouser celle qu'elle aimerait pour toute sa vie. Cependant elle avait une autre possibilité. Elle répondit :

- Nous avons découvert, il y a plus d'un an maintenant, une nouvelle artillerie pouvant tirer une cinquantaine de flèches au même moment ce qui permet d'éviter l'intervention d'archers. L'Empire en possède les plans.

Elle fixa Tadriel puis ajouta :

-Vous croyez que cela intéressera votre père ?

Tadriel n'arrivait pas à se décider. Trouvait-il l'acte de la jeune femme inconscient, courageux ou complètement stupide ? Peut-être un peu des trois. Il n'empêchait, elle avait fait tout ce chemin simplement en espérant rétablir la paix et en soi, il ne pouvait que saluer cela. Il ne pouvait pas le nier, jamais il n'aurait fait une telle chose lui-même...

- Vous êtes venue seule ? sans garde, ni bagage ?

Elle aurait pu mourir en route, mais il supposait qu'elle le savait et ce n'était surtout pas à lui de s'en faire pour elle. Alors il se tut et attendit de connaître ses motivations exactes.

Il était au moins rassuré par le fait que Mhilo attendait avec eux dans la pièce et que, de fait, personne ne serait en mesure de l'assassiner, il le savait. Ils s'étaient soustraient aux yeux des curieux, mais certainement pas des oreilles inquisitrices. Ceux qui voulaient vraiment en apprendre plus sur leur entrevue clandestine en avait tout le loisir. Mais c'était tout de même réconfortant de le savoir là, avec lui. Dans tous les cas, la prudence restait mère de sureté.

Ce qui dit la jeune femme tout à coup le tira de ses pensées et il fit volte-face pour la regarder. Rien dans ses yeux ne signalait qu'elle mentait, et de toute manière, il ne voyait pas pourquoi elle l'aurait fait.

- Une cinquantaine de flèches en une seule fois...

Il secoua la tête et se la prit dans les mains. C'était peut-être bien encore pire que ce qu'il pensait.

- Vous avez les plans... et vous voulez les donner à mon père, c'est bien cela ?

Il voulait être certain de bien comprendre la situation. Il revint se laisser tomber dans le fauteuil en face d'elle et demanda en se penchant en avant :

- Avez-vous ces plans sur vous, à l'heure actuelle ? Pourrais-je les voir ?

- Vous êtes venue seule ? sans garde, ni bagage ?

Sanwine avait tout fait pour ne pas avoir été vu et même suivi dans sa démarche. Elle ne voulait mettre en danger personne. Et dans la situation qu'elle était actuellement, elle ne regrettait point cette décision qui était peut-être la seule bonne...
Pour les bagages, elle avait prit de quoi se nourrir pour les premiers jours, une tenue de rechange, une couverture et surtout une grande bourse afin de payer la chambre de différents gîtes.
Donc oui, elle était devenue limite une vagabonde.
Elle répondit :

- Je suis venue sans accompagnement et avec les moyens du bord.

Puis vint la réaction du prince par rapport à ce qu'elle contait faire pour convaincre le roi. Tadriel avait l'air paniqué par sa décision puisque il la prit des mains et lui dit :

- Vous avez les plans... et vous voulez les donner à mon père, c'est bien cela ?

Sanwine se senti encore une fois gênée par ces propos qui n'annonçaient rien de bon. Elle ajouta alors timidement :

- Et bien oui...

Il lui demanda :

- Avez-vous ces plans sur vous, à l'heure actuelle ? Pourrais-je les voir ?

En effet, elle avait sur elle un croquis de cette artillerie mais elle n'avait pas prit directement les plans pouvant servir afin de les construire. La jeune femme ne connaissait pas le roi, et celui-ci pouvait être malsain. Il pouvait bien les lui voler ou ne pas prendre en compte leur contrat en retournant leur propre arme sur l'Empire. Elle c'était méfié de cela mais elle souhaitait quand même amener sur elle une preuve de ces dires afin de le convaincre.
Ce fameux croquis était dans un tube, lui-même caché sous les jupons de Sanwine. Le garde lui avait retirer sa dague mais heureusement qu'il n'était pas tomber sur cela.

Elle souleva les jupons de sa robe et sortit le tube enfermant l'image. Puis elle tourna le bouchon afin de l'ouvrir. Elle prit d'une main le dessin, posa le tube et déroula celui-ci sur la table du salon en ajoutant :

- Voici le dessin de l'artillerie en question. Les plans de construction sont restés au palais de l'Empire birlais. Cela suffira ?

Elle n'hésita pas une seconde avant de lui montrer les plans. Tadriel ne sut pas si cela le réjouissait ou l'abattait encore davantage. Allait-elle faire confiance à son père ainsi quand elle se retrouverait en face de lui en cours de soirée ? Il n'espérait pas pour elle, sinon elle risquait d'être très déçue...

Elle releva les jupons de sa robe pour attraper un petit tube caché là. Une preuve de plus que les gardes n'étaient vraiment pas les meilleurs. A se demander si son père ne le faisait pas exprès de les engager, en fonction de leur incompétence. Bon sang, ce n'était pas son métier et même lui aurait réussi à trouver ce tube en la fouillant !

Ou alors...

Il secoua la tête et repoussa l'idée au fond de sa tête.

Il se pencha sur le dessin qu'elle venait de sortir du tube et l'observa. Ce n'étaient pas les plans en eux-même, comme elle le lui expliquait simultanément qu'il le comprenait. Cela n'en restait pas moins dangereux pourtant...

- Je ne pense pas que cela suffira. Je n'y crois pas, en tout cas.

Il venait de parler gravement, et il était à peu près sûr de ce qu'il avançait. Il fallait bien le comprendre, son père n'était certes pas honnête mais en plus, il était exigeant. Pour le convaincre de faire la paix - à compter que ce soit possible, bien sûr, et il n'en était pas persuadé -, il allait falloir plus qu'un simple dessin.

D'un autre côté, elle avait terriblement bien fait de ne pas les amener directement ici. Il se tourna vers Mhilo et demanda :

- Mhilo, j'ai besoin de ton avis.

Il le laissa prendre connaissance du dessin, puis revint vers la jeune femme.

- Et si mon père refuse votre proposition ? Que ferez-vous exactement ?

Spoiler:

Je savais que ce Bal promettait moult rebondissements. Déjà cette conversation est fort intéressante et déroutante. Mais je ne pipe mot. Tant que mon Prince n’est pas en danger, je demeure que son Ombre. Avec une attentive oreille. Je fronce le regard et pose ma main sur mon épée, prêt à intervenir, quand la déterminée Princesse sort .. Un tube. Les femmes sont étonnantes ! C’était dans ses tissues depuis tout ce temps ! Je vais faire plus attention aux jupons à présent, cela devient une arme.


« Voici le dessin de l'artillerie en question. Les plans de construction sont restés au palais de l'Empire birlais. Cela suffira ? »

Mais ce dessin ne représente pas une trahison pour son Empire ?

Etait-elle consciente ? Je me questionne. Pas d’alliés, pas de garde, juste sa audace. Les femmes sont étonnantes ! Je me permets de le redire, elle est une cible ambulante, pardi ! Fort heureusement que Mon Prince en ait conscience et le rappel, à raison.

« Mhilo, j'ai besoin de ton avis. »

Tadriel me sort de mes pensées. Je m’approche prudemment, observant en coin la demoiselle. Serait-ce une mascarade comme cet épuisant événement ? Et dire que ce n’était que le début.

J’en suis déjà exténué.

« Ah mais elle trouvera une autre proposition, plus alléchante pour le roi Lioffel. »


Je m’apprêtais à formuler ma réponse quand une voix que je reconnais d’entre mille me coupe la parole. L’homme qui susurre à l’oreille de la Royauté. Je l’aurais parié tiens ! Je redresse la tête, dardant un noir regard envers sa personne. J’ose faire un pas, me placant devant Tadriel. Que diable venait-il faire ici ? Enfin non, serait-ce donc un piège comme je l’avais pensé ?

« Bonsoir, jeune homme. Évitez de me pourfendre avant le matin, j'ai encore beaucoup de choses à faire ici. »

C’est pourtant une sanglante envie qui me chauffe chaque fois que je croise sa nuisible silhouette. Sa présence n’annonce rien de bon. Autant la Princesse, je n’en avais presque rien à craindre. Jusqu’à que je sache que les apparats pouvaient regorger de mystères. Mais le bouffon du Roi, c’est une autre paire de manche.

« Je ne vous promets rien mon Ami. »

Je siffle entre mes dents, croisons les doigts que ma lame ne vient pas chatouiller la sienne. L’un et l’autre sommes naturellement des opposants. Espérons qu’au petit matin, tout le monde soit en vie. Et que je n’ai pas intervenir pour protéger Mon Prince.

« Pardonnez-moi, votre altesse, si je ne m'incline pas devant vous, mais mon allégeance va à la couronne birlaise. Vous ne m'en tiendrez pas rigueur, j'espère, d'autant que je viens prêter main-forte à l'entreprise de notre chère princesse. »

Je roule des yeux, que du fiel sortant de ses lippes, que ne faut-il point faire pour séduire la royauté et la mauvaise personne. Non pas que je doute sur les capacités de Tadriel a entamer des longues et exténuantes négociations avec son père. Mais on parle d’une interminable guerre et d’un Roi fou tout de même. Au fond de moi, j’espère une paix afin de pouvoir visiter cet empire qui m’a vu naitre. Et qui sait, y emmener le Prince, pour une royale visite d’amitié.


« C’est fort étonnant de vous voir manquer aux politesses, guère ponctuel, insultant envers mon Prince et laissant courir votre Princesse dans les murs ennemis. Serait-ce un spectacle ? Car cela est finement bien ficelée. Pour revenir au dessin, après cette déplaisante impromptue, c’est effectivement une arme pouvant mettre à mal l’armée Lioffelloise. Mais sachez qu’une fois le Roi aura vu ceci, vous ne pourrez en ressortir avec. Etes vous conscients et prêt à prendre ce risque ? J’espère que votre homme a d’autre pions sur son échiquier que d’arriver comme bon lui semble. M’enfin, cela pourra toujours faire rire Notre Roi, j’en conviens »

- Je ne pense pas que cela suffira. Je n'y crois pas, en tout cas.

Sanwine soupira. Le roi était non seulement malsain mais aussi exigeant. Elle se doutait bien avant que cette négociation ne serait pas de tout repos. Heureusement qu'elle avait deux autres propositions dans sa poche. Puis le prince demanda l'avis à un homme également à la chevelure blanche au nom de Milho.
Depuis leur arrivé dans ce salon, elle avait remarqué la présence constante de cet homme près de Tadriel, la jeune femme en avait conclu qu'il devait être le conseiller du prince ou bien son garde du corps.
L'intéressé s'avança pour jeter un coup d'oeil sur le croquis mais avant de prononcer son opinion une voix familière se fit entendre :

- Ah mais elle trouvera une autre proposition, plus alléchante pour le roi Lioffel.

Ailéron, le conseiller royal de son père l'avait suivi jusqu'ici pour la retrouver. Pour rentrer à ce bal, il avait dû se présenter en tant qu'Ambassadeur birlais. Sanwine l'appréciait malgré sa méfiance pour lui à cause de son côté charmeur, manipulateur. Mais elle avait une totale confiance sur sa loyauté à l'Empire.
D'un côté elle voulait limite lui sauter aux bras pour lui venir en aide dans un situation si difficile. Mais de l'autre, elle sentit une gêne bien profonde la montrant comme une princesse capricieuse et surtout naive qui souhaitait la paix sur Terre. Bref, une image bien cliché de la princesse.

Puis Ailéron ajouta en effectuant une révérence à la jeune femme :

- Votre Altesse, je suis bien aise de vous avoir retrouvée. Votre père s'est beaucoup inquiété à votre sujet. Et moi aussi.

Elle était déjà pleinement consciente de l'inquiétude qu'elle avait engendré à son départ. Elle lui répondit franchement :

- Je suis également heureuse de vous retrouvez, Ailéron.

Puis le conseiller royale se tourna vers les deux autres hommes et leur dit :

- Pardonnez-moi, votre altesse, si je ne m'incline pas devant vous, mais mon allégeance va à la couronne birlaise. Vous ne m'en tiendrez pas rigueur, j'espère, d'autant que je viens prêter main-forte à l'entreprise de notre chère princesse.

Encore une preuve de sa loyauté envers la famille impériale birlaise. Elle était contente de savoir que les intentions d'Ailéron étaient les mêmes que Sanwine. Il ne prenait pas en compte le fait qu'il était devant deux ennemis liofellois, elle appréciait cela. Mais Mhilo était quant à lui plus dans la méfiance :

- C’est fort étonnant de vous voir manquer aux politesses, guère ponctuel, insultant envers mon Prince et laissant courir votre Princesse dans les murs ennemis. Serait-ce un spectacle ? Car cela est finement bien ficelée. Pour revenir au dessin, après cette déplaisante impromptue, c’est effectivement une arme pouvant mettre à mal l’armée Lioffelloise. Mais sachez qu’une fois le Roi aura vu ceci, vous ne pourrez en ressortir avec. Etes vous conscients et prêt à prendre ce risque ? J’espère que votre homme a d’autre pions sur son échiquier que d’arriver comme bon lui semble. M’enfin, cela pourra toujours faire rire Notre Roi, j’en conviens.

Instinctivement, Sanwine s'avança vers lui et lui répondit calmement :

- Nous ne sommes pas venus dans le but d'empirer le problème principal de nos deux royaumes. Je peux comprendre votre méfiance envers nous, malgré la trêve nous restons ennemis. Mais si nous nous allions, nous pourront changer et devenir amis.

Elle soupira puis reprit :

-La guerre n'apporte que le chaos et la destruction. Alors que la paix pourrait nous ouvrir tellement de portes pour améliorer l'avenir de nos terres, et surtout de nos peuples.

Elle jeta un coup d'oeil à tous les trois. Elle finit sur une simple phrase en baissant la tête :

- Je sais que ces paroles paraissent pathétiques et j'en suis désolée.

Pathétique

Tadriel avait à peine posé la question qu'un homme faisait irruption dans le salon, avec une certaine classe il devait bien l'admettre, et jetait :

- Ah mais elle trouvera une autre proposition, plus alléchante pour le roi Lioffel.

Tadriel se tourna vers lui, en même temps que l'homme continuait son discours - et sans même les saluer. Mhilo fit un pas en avant pour se placer devant lui, dans un élan protecteur, comme le lui demandait son rôle d'Ombre. Tadriel n'en resta pas moins sur ses gardes. D'ailleurs, il n'avait pas de doute sur le bien fondé de sa méfiance. Que faisait cet homme ici ? et pourquoi il entrait ainsi dans le salon ?

Surtout que Tadriel était persuadé d'avoir fermé à clef la porte... Peut-être n'avait-il pas poussé le loquet assez loin et que la poignée ne s'était pas bloquée ?

Le jeune homme observa le nouvel arrivant s'incliner devant Sanwine, avec tout le respect qu'il devait à une princesse. Mais il ignora royalement Tadriel. Pas très fin, quand on était en terrain ennemi, de faire injure à ses hôtes. Mais soit. C'était la guerre après tout. Il ne fallait pas s'attendre à tous les ronds de jambes de coutume...

- Je respecte votre allégeance, déclara-t-il sobrement, sans se donner la peine de le saluer, puisque le camp adverse ne s'en donnait pas la peine. Mais la bienséance vous pousse au moins à vous présenter en bonne et due forme.

Ce n'était pas parce que l'on était dans un petit salon privé qu'il fallait dire adieu à toute l'étiquette. D'autant plus quand ce salon se remplissait à l'improviste de cette manière. Cela lui rappela que la porte n'était toujours pas fermée à clef. Il la désigna.

- Fermez la porte à clef, je vous prie. Il ne faudrait pas que tout le palais ne s'invite à notre réunion.

Une pique glissait discrètement.

Puis, ce fut au tour de Mhilo de prendre la parole. Des paroles percutantes, comme toujours. De quoi faire réfléchir le plus profond des imbéciles. Son Ombre avait quelque chose de charismatique, même si jeune, qui poussait à l'écouter. Il maîtrisait sa prose.

Tadriel se pencha de nouveau sur le dessin de l'arme, tout en écoutant Mhilo continuer. Il n'y connaissait rien en guerre, aussi il le croyait sur parole quand ce dernier prétendait qu'une telle arme pourrait tenir en respect les soldats Lioffelois. Cependant... il avait raison sur un autre point : son père ne laisserait jamais retourner au palais Birlais une telle chose. Quelles que soient les techniques qu'il devrait pour cela utiliser.

Cela ne suffirait pourtant certainement pas à faire la paix. Bon sang, que son père était tordu ! On avait pas idée.

Il roula le dessin, estimant qu'il avait vu ce qu'il y avait à voir dessus. Étrangement, il croyait la princesse sur parole quand elle disait être venue en paix. Elle semblait réellement décidée à conclure la paix. Bien, mais l'autre homme ? Il y avait quelque chose de sombre en lui qui n'inspirait pas confiance à Tadriel.

- Et vous, Monseigneur ? N'avez-vous aucun autre projet que celui de faire la paix, vous aussi ?

Il rendit le dessin à sa propriétaire - en gage de bonne entente pour le moment - et déclara en ne s'adressant qu'à elle :

- Comme je vous le disais, princesse, je n'ai pas le pouvoir exécutif. Sachez cependant que mon père a prévu d'offrir des audiences au cours de la soirée, vous pourrez le rencontrer à ce moment-là et lui soumettre votre demande.

Il fit une pause, et reprit mystérieusement :

- Cependant, le roi n'est pas le seul à pouvoir décider de la paix, et peut-être devriez-vous creuser de ce côté-ci...

Il se tut de nouveau et enchaîna :

- Vassel d'Alinir. L'Ambassadeur Lioffelois. Comme vous le savez tous et conformément aux lois Lioffeloises, il est le seul qui dispose du pouvoir de signer la paix à la place de mon père... mais j'ai bien peur qu'il soit encore plus dur à persuader que le roi.

Après la venu de l'ambassadeur, le prince demanda de fermer la porte à clé. Heureusement, que le seul noble a y être rentré n'était pas un curieux aux idées malsaines.

Après avoir donné une preuve de sa détermination sur les avantages d'une alliance, Tadriel demanda à Ailéron :

- Et vous, Monseigneur ? N'avez-vous aucun autre projet que celui de faire la paix, vous aussi ?

Elle sentit que le prince doutait des réels intentions de l'homme, elle le comprenait. Il n'allait pas donner toute sa confiance à un ambassadeur venu de nulle part, et sans autorisation dans le salon afin de s'intégrer dans un conversation qui devait rester privé. De son côté, Sanwine se méfiait moins de l'accompagnateur de Tadriel, il se faisait discret derrière lui et si le prince croyait en lui, alors il n'avait pas beaucoup de raison de le craindre. Mais, il en avait quand même une : Certes, il ne parlait peu mais il était parfaitement capable d'entendre.

Puis, Tadriel s'approcha de la jeune femme et lui donna le tube contenant le croquis de l'artillerie. Elle apprécia ce geste, elle le remercia. Elle souleva les jupons de sa robe et remit le dessin en essayant de le camouflé le plus possible. Puis il ajouta :

- Comme je vous le disais, princesse, je n'ai pas le pouvoir exécutif. Sachez cependant que mon père a prévu d'offrir des audiences au cours de la soirée, vous pourrez le rencontrer à ce moment-là et lui soumettre votre demande.

Cette annonce était sûrement dans le but de lui redonner espoir mais cela ne lui fit pas beaucoup d'effets. Maintenant qu'elle savait que le roi n'avait pas l'attention de rétablir la paix facilement, elle préférait l'éviter pour sa vie. Mais elle essayera de faire l'effort de la rencontre, même si celle-ci s'annonçait "périlleuse".
Enfin Ailéron répondit au prince :

- Je ne me trouverais certainement pas dans ce bureau, si je n'avais pas pour but d'assister son altesse Sanwine. Les autres motivations à ma présence ici, s'il m'est permis, sont de goûter les charmes de la compagnie et les plats du buffet.

Sanwine le toisa du regard : Vraiment ? Vous les prenez vraiment pour des idiot ?
Elle soupira. Bien sûr qu'il n'était pas là que pour profiter du bal, il avait d'autres choses en tête. Elle ne le connaissait que trop, pour le savoir. Ailéron était le genre de personne a ne pas hésiter à conclure le plus de contrats possibles, ces accords étant majoritairement faits pour arranger l'Empire. Il fallait reconnaître qu'il faisait très bien son métier d'ambassadeur.
Mais, ces paroles avaient aussi une source de vérité car il devait sûrement apprécier les festivités.
Elle lui répondit avec un certain second degré :

- Vous pourrez profiter du bal à votre guise, Ailéron.

Ensuite Tadriel ajouta à la discussion :

- Cependant, le roi n'est pas le seul à pouvoir décider de la paix, et peut-être devriez-vous creuser de ce côté-ci...

Il se tut en laissant un petit suspens, puis continua enfin :

- Vassel d'Alinir. L'Ambassadeur Lioffelois. Comme vous le savez tous et conformément aux lois Lioffeloises, il est le seul qui dispose du pouvoir de signer la paix à la place de mon père... mais j'ai bien peur qu'il soit encore plus dur à persuader que le roi.

Cette information redonna pas plus le sourire à Sanwine que la première. Mais elle restait intéressante comme disait Ailéron. Le seules hommes étant capables de conclure une alliance étaient ceux qui étaient les plus dures à convaincre...
De quoi perdre vraiment espoir, mais elle devait rester forte et se montrer intelligente face à eux.
Elle remercia une seconde fois, Tadriel :

- Merci, Majesté. Ces informations me sont très utiles.

Elle ajouta :

- Puis-je savoir où pourrais-je rencontrer, Monsieur d'Alinir ?

La jeune femme entendit sa réponse et aussitôt, elle se tourna vers Ailéron :

- Pouvons - nous discuter ?

« Ailéron Cathal, conseiller du roi Senos III, envoyé de ce dernier pour suivre sa fille, la princesse Sanwine ici présente. »

J’aurais plutôt dit fielleuselangue chuchotant dans les creux d’oreilles royales. Ma foi, ce n’était pas à moi de juger quiconque. Comment ça, je venais de le faire ? Absolument pas. Je n’en demeure pas moins sur mes gardes, qui sait ce qu’il avait prévu pour mon Prince. Déjà ennuyé par sa présence, faut bien l’avouer. Attentive oreille qui assistait aux prémisses d’une intrigue, dans quel drap allons nous prendre les pieds ?

« Je ne me trouverais certainement pas dans ce bureau, si je n'avais pas pour but d'assister son altesse Sanwine. Les autres motivations à ma présence ici, s'il m'est permis, sont de goûter les charmes de la compagnie et les plats du buffet. »

Il poursuit sa déclame. Qui est dupe ? Je roule des yeux, oubliant le respect que je devais tenir vis-à-vis de mon rang, encore un autre qui provoquait bien trop de ressentis. Tu en fais trop l’ami, bien trop à mon goût. Prince n’est pas synonyme d’imbécile.

« Je n'ai jamais eu le plaisir de le rencontrer. Il pourrait effectivement être très intéressant de le rencontrer. Même si je ne doute pas, votre altesse que vous sachiez toucher, à votre mesure, le cœur de votre père. »

Vénéneuses caresses qu’il tente d’apposer sur mon protégé. Je réprime un soupir, le laissant faire ses pirouettes. Je n’avais pas le mot à dire sur les intentions de quiconque. Et je savais le Prince bien aguerri pour toutes inutiles turpitudes. Dents de requin montré, l’envie de les scier me torpille la bile, je préfère serrer ma main en poing pour me canaliser.

Cette soirée va être mémorable.

« Vassel d'Alinir. L'Ambassadeur Lioffelois. Comme vous le savez tous et conformément aux lois Lioffeloises, il est le seul qui dispose du pouvoir de signer la paix à la place de mon père... mais j'ai bien peur qu'il soit encore plus dur à persuader que le roi. »

Mise en garde de Tadriel, évoquant un illustre et pas des moindres personnages régissant le quotidien des affaires dans cette contrée. J’en viens presque à me demander si le Roi n’était pas plus aisé à faire fléchir. Quoi qu'il valait mieux monter une armée de jonquilles, c'était plus aisé comme manoeuvre, à ce rythme-là.

« Merci, Majesté. Ces informations me sont très utiles. »


Il valait mieux s’armer pour affronter l’homme. Mais étonnement, le Requin est le meilleur atout de la Princesse. Je profite qu’elle veuille demander audience auprès de son Fou pour faire de même avec le Prince, nous écartant d’eux. Je chuchote.

« Tadriel, est-ce bien judicieux de les inviter à poursuivre dans ce sens aussi noble soit la cause ? »

Ainsi donc avait-il affaire au conseiller royal Birlais. Oui, bon, Tadriel n'était pas vraiment surpris, c'était davantage par principe qu'il lui avait demandé de se présenter. Quant au reste, il refusait d'y croire. Un Ambassadeur Birlais, venu juste pour profiter des festivités ? Si une seule personne dans la pièce gobait ces mots...

Tadriel n'y croyait pas, donc. Pas une seconde. Pas alors que le monde, les gens les plus puissants d'Istanyla, étaient réunis en un même et seul endroit. Pas alors que c'était l'occasion de conclure tous les pactes du monde en dansant. Ce n'était tout simplement pas possible de venir tout simplement se détendre.

Il n'insista pas, cependant, et se contenta de lui glisser une pique polie mais néanmoins présente - pendant qu'on était dans ce salon, en plein échanges hypocrites, autant y aller jusqu'au bout :

- J'aurais cru qu'un grand Ambassadeur dans votre genre aurait eu bien d'autres ambitions pour ce soir, Messire Cathal, mais après tout, vous devez vous aussi avoir besoin de vous remplir la tête des luxures que nous réserve ce soir ce bal.

Pour toute réponse, Ailéron eut un sourire immense, qui fit apparaître ses dents éclatantes pour enchaîner aussitôt :

- Je n'ai jamais eu le plaisir de le rencontrer. Il pourrait effectivement être très intéressant de le rencontrer. Même si je ne doute pas, votre altesse que vous sachiez toucher, à votre mesure, le cœur de votre père.

Les derniers mots étaient certainement une manière de lui renvoyer la balle. Mais dans tous les cas, Tadriel était à peu près sûr que tous ces belles phrases - et ces beaux sourires - cachaient en réalité un personnage bien plus sombre. Quelqu'un qui savait exactement ce qu'il était venu faire ici... et qui ne changerait ses objectifs sous aucun prêtexte. Restait à essayer de comprendre desquels il s'agissait là.

Il se tourna vers Sanwine quand elle prit la parole à son tour. Tadriel ne répondit pas immédiatement, puis il déclara :

- Messire d'Alinir n'est pas encore présent. Il était en voyage d'affaire et devait rentrer aujourd'hui dans l'après-midi. Il a eu quelque empêchement sur le chemin du retour. Je vous rassure immédiatement : rien de bien grave, et il se présentera certainement très prochainement.

Ce qui était sûr, c'était que Vassel était une chance - faible mais tout de même existante - de signer la paix ce soir. Et cela sans être obligé d'informer Lioffel ou même que celui-ci ait quelque chose à y redire.

- Si vous souhaitez discuter avec votre conseiller de tout cela, ajouta-t-il quand elle en parla, je vous en prie.

D'ailleurs, lui-même avait une conversation qui s'imposait avec Mhilo puisque ce dernier l'entraînait dans un coin de la pièce - tandis que Sanwine et Ailéron allaient dans l'autre. Là, il chuchota à voix basse, pour ne pas être entendu des deux autres :

- Tadriel, est-ce bien judicieux de les inviter à poursuivre dans ce sens aussi noble soit la cause ?

Tadriel réfléchit durant une seconde. Non, ce n'était sûrement pas très prudent. Mais il ne savait pas quels étaient les plans de son père, et il craignait fort que Lioffel avait justement des plans pour Birla. Mais lesquels ? S'ils parvenaient à signer une paix, il lui couperait forcément l'herbe sous le pied.

- Je sais, Mhilo. C'est dangereux. Mais il nous faut tenter quelque chose.

Il fit une pause et reprit, malgré tout :

- Tu as une autre proposition ?

Tadriel accepta sa demande de converser avec son "envoyé" royal, sans perdre de temps Ailéron l'invita à s'installer avec lui dans un coin du salon à l'opposé du prince et de son conseiller. Sans surprise, il commença le premier en reprochant à Sanwine cette sortie imprévue. Elle était pleinement conscience de l'inquiétude qu'elle avait laisser derrière à son départ, elle voulait, loin de là, faire du mal à son père. Mais l'homme parla également d'une possibilité de paix que le roi Senos et lui avaient déjà en tête, bien avant la sienne.

Mais il ne lui laissa pas de lui poser une question, il continua en lui prévenant des dangers qui peuvent rôder dans ce palais. A ces paroles, elle repensa à cette question "si bête" après réflexion qui avait été la cause d'une "énorme" source de doute chez les nobles. Elle se souvenait encore de la discussion avec ce fameux Nathanael Fedrilla qui n'avait pas du tout la carrure d'un bourgeois, elle aurait dû plus se méfier de lui. Il fallait mieux l'éviter pour l'instant, même si elle savait qu'il ne lâcherait l'affaire pour un long moment. Si Ailéron l'apprenait, sa confiance sur le fait qu'elle pouvait se protéger seule allait rapidement disparaître. Elle aurait préférer garder cette information mais ce n'était pas le temps pour les "cachotteries". Elle lui dit :

- Je ne sais quand vous êtes arriver ici, mais j'avais pris la mauvaise décision en entrant à ce bal de demander à certains invités, leurs opinions sur le roi Lioffel....

Un petit silence passa puis elle reprit :

- Je sais que cette idée est complètement irresponsable et même qu'elle va m'engendrer plus tard beaucoup d'ennuis. Mais s'il vous plaît, Ailéron, faîtes moi encore confiance. Je ferais très attention à l'avenir, je vous le promet.

Elle profita de ce moment pour enfin lui demander :

- Dites-moi. De quel plan aviez-vous envisagé mon père et vous ? Et surtout, pourquoi ne m'aviez-vous pas prévenu avant ?

Ailéron l'invita à prendre place sur une bergère pour lui ajouter à son oreille :

- Ecoutez princesse… Je sais que vous voulez bien faire, et nous avions envisagé avec le roi Senios III une proposition que nous pourrions faire à Lioffel XX. Pas au prince Tadriel. Seulement elle risque de ne pas vous plaire et j’en suis désolé à l’avance.


La princesse s'attendait au pire mais elle était prête à tout pour sauver l'Empire. L'homme prit un petit temps d'hésitation avant de continuer :

- Nous avons envisagé que vous pourriez remplacer la reine Iméo. La mère de Tadriel. C’est-à-dire, épouser Lioffel.

Sanwine comprit pourquoi Ailéron avait souhaité qu'elle s'assoit, c'était pour éviter qu'elle tombe d'évanouissement. Elle le fixa, souriante en voulant croire à une simple blague. Elle lui demanda confirmation :

- C'est une blague... Non ?

Malheureusement ces propos sonnaient sincères.
Ses yeux regardant le vide, la princesse essaya de se calmer. Seulement deux émotions étaient en train de prendre le dessus : la colère et la tristesse. Elle commença à verser quelques larmes. On lui proposait de se marier à la personne dirigeant la guerre contre Birla, et de plus son fils lui-même l'avait informé qu'il ne possédait pas une pensée saine. C'était bien trop loin de ses capacités !

Je ferais TOUT pour sauver l'Empire.

C'était pourtant ce qu'elle se promettait.

Elle se trouva également égoiste de pleurer pour sa personne alors que aucun sacrifice ne valait autant que celui de donner sa vie sur un champ de bataille.

Elle prit un certain moment à se calmer. Puis elle demanda avec une voix à moitié tremblante comme si elle n'avait qu'en parti avaler la proposition :

- Puis-je en apprendre d'avantage.

Cependant, au fond d'elle, elle ne voulait en savoir plus.

Ailéron conserva une neutralité de visage aussi impassible que possible lorsque celui de la princesse se décomposa. Evidemment, ça ne pouvait avoir que cet effet-là. Surtout après avoir vu le fringant mini Lioffel. Il s'empara d'une main de Sanwine, comme pour la réconforter.

- Bien sûr que vous pouvez en apprendre davantage.

Il lança un regard dans la direction du prince et se détourna pour qu'on ne puisse pas même lire sur ses lèvres.

- Voilà, la guerre dure depuis de nombreuses années et nos ressources humaines et logistiques s'épuisent. La nouvelle arme que vous avez présenté au roi nous aidera quelques temps, mais nous ne sommes pas à l'abri d'une capture d'armement qui permettrait à Lioffel de retourner cette technologie contre nous. Birla pourrait disparaître dans le sang... Nous ne voulons pas que cela arrive, n'est-ce pas ?

Ce "nous" était flou. Lui et la princesse ? la princesse, le roi et lui ? le roi et lui ? Il poursuivit :

- Nous allons proposer ce mariage à Lioffel. En sachant qu'étant le monarque de ce pays, il pourrait très bien accepter au nom de son fils également. Ce mariage lui rapporterait gros : il n'aurait plus besoin de guerroyer s'il a une assurance de faire main-basse sur Birla grâce à son mariage.

Il continua encore plus bas.

- Le but véritable n'est pas de lui donner le pays, princesse, mais de mettre fin à la guerre. Une fois que vous serez proche de lui, vous pourrez... le tuer. Le prince montera alors sur le trône et pourra signer la paix avec nous. Vous rentrerez au pays. Est-ce que vous comprenez ?

Ailéron déposa sa main sur celle de la princesse afin de la rassurer. Comme demandé, il approfondit ses explications. Il lui fit rappeler des danger qu'ils couraient maintenant qu'ils se retrouvaient avec le croquis de l'artillerie entre les mains. Elle n'avait pris les plans afin de limiter les dégâts en cas de vol. Mais le royaume de Lioffel n'allait avoir aucun mal à trouver un moyen de le reproduire même sans plans. Sanwine lui répondit instinctivement et d'un petite voix :

-Non

Bien sûr que non
Elle ne voulait en aucun cas retrouver l'Empire sous une mer rouge sang. Cela en était même l'un de ses pires cauchemars.
Ailéron continua en délivrant le réel objectif de ce mariage royal : celle de tuer le souverain. Il est vrai qu'elle avait déjà songer dans un coin de sa tête à cette idée mais jamais elle ne souhaitait l'effectuer. Du coin de l'oeil, elle fixa l'héritier.

Si il venait à l'apprendre, voudrait-il vraiment signer une alliance ?

Malgré qu'il n'avait l'air d'avoir un fort lien paternel, il restait son père en toute circonstance. Elle ne sentait pas prête à tuer de ses mains le dernier parent encore en vie de Tadriel. Elle priait pour qu'il la pardonne d'avance pour avoir cette affreuse idée en tête.

Pourtant, après un long moment de réflexion elle conclu :

- Je vois et j'accepte de suivre vos plans. Lors de la soirée, le roi prévoit d'accepter des audiences aux invités voulant le rencontrer, nous pourrons demander à le voir afin de lui proposer cette alliance.

Elle allait suivre ce plan sans aucun enthousiasme et surtout remplit de regret mais...

L'avenir de Birla était en jeu

Ailéron fut content de ne pas avoir à trop parlementer avec Sanwine pour obtenir son consentement. Certes, il était un peu forcé, mais il ne doutait pas que la jeune femme était prête à tout pour son pays, et c'était sur cette corde là qu'il avait joué. La morale, quand on a une conscience est le meilleur argument qu'on puisse donner. Et il semblerait que Sanwine ait une conscience.

Ailéron n'avait pas de conscience. Ou bien alors sa morale était tronquée. Quoiqu'il en soit, il acquiesça à sa proposition de rencontrer le roi dans les plus brefs délais. Cela valait toujours mieux que d'attendre indéfiniment.

Une première étape venait d'être franchie et il en était ravi. Il fallait fêter ça. Ses pensées s'égarèrent vers une certaine sudiste aux formes exquises, alors qu'il se rapprochait du duo lioffelois du salon. Il resta prudemment à une distance qui ne lui permettait pas d'entendre les conciliabules, et se râcla la gorge.

- Hum, hum. Votre altesse, ombre... si vous nous le permettez, la princesse et moi-même aimerions nous retirer, nous souhaitons rencontrer le souverain de ce pays.

Puis il se tourna vers Sanwine.

- Princesse, je vous attends à la porte.

Ailéron acquiesça à la réponse de la princesse avec une certaine fierté d'avoir réussi à la convaincre. Au contraire de Sanwine qui maintenant qu'elle avait accepté, devait prendre sur elle et assumer jusqu'au bout son choix.

Lorsque l'Ambassadeur prévint les deux lioffelois de leur départ. Elle se leva de la bergère et se plaça à son tour devant eux. Elle regarda le prince, le simple fait de le croiser du regard lui était devenu gênant, une pensée reflétant une sorte de "trahison" à son égard - celle d'envisager au meurtre de son père -. Elle essayait de se soulager intérieurement en se convaincant qu'il existerait d'autres possibilités ou mieux qu'elle n'aurait jamais à le faire. Elle finit par lui dire :

- Tadriel, je vous remercie de votre écoute et surtout de votre soutien.

Et se tourna vers son accompagnateur :

-  Je vous remercie également, Ombre du Prince.

Elle conclut avec une révérence :

- Bonne soirée, messieurs.

Elle partit rejoindre Ailéron pour enfin sortir du salon.

Son avenir venait déjà d'être défini.